Par Jean-Baptiste Jacquin Publié hier à 10h44, mis à jour hier à 11h24 Temps de Lecture 4 min.Société Justice Un magistrat de la Cour de cassation mis en cause pour avoir tenté d'interférer dans des procédures Dans l'intérêt d'une femme avec qui il entretenait une relation, Thierry F. a cherché à peser sur des décisions d'un juge aux affaires familiales et sur des juges de la haute juridiction.
Thierry F. « est un magistrat à la carrière exceptionnelle » , a dit de lui, mercredi 2 décembre, devant la formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature, Paul Huber, directeur des services judiciaires. La dernière évaluation au dossier de cet homme – qui a débuté en 1981 comme juge d'instruction à Hazebrouck (Nord), puis grimpé tous les échelons jusqu'à la Cour de cassation, comme conseiller à la chambre criminelle – fait état d'un « magistrat d'exception animé d'un sens élevé du service public » .
Thierry F. n'a pourtant pas souhaité répondre à la convocation du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ni être défendu à cette audience, alors que les manquements disciplinaires pour lesquels le garde des sceaux le poursuit sont d'une particulière gravité.
« Répétition des comportements intrusifs »
En janvier 2019, une juge aux affaires familiales du tribunal d'Orléans reçoit un courriel concernant une procédure de révision de pension alimentaire dont elle est saisie. L'auteur explique, sous pseudonyme, représenter un collectif de hauts magistrats de la Cour de cassation qui développe un argumentaire censé être général, revenant en pratique à faire pencher la balance en faveur de la femme. Il va jusqu'à flatter la juge, laissant entendre qu'au regard de l'importance de cette affaire, son jugement pourrait être mis en valeur. Un second courriel, arrivé deux mois plus tard, affirme que l'ex-mari fait l'objet d'une enquête fiscale pour fraude.
L'auteur anonyme va jusqu'à flatter la juge, laissant entendre qu'au regard de l'importance de cette affaire, son jugement pourrait être mis en valeur
L'expéditeur ignore alors que la magistrate avait prévenu dès janvier le procureur d'Orléans de cet étrange courriel. Le parquet avait immédiatement saisi la police judiciaire d'une enquête pour trafic d'influence et usurpation d'identité. Grâce à l'adresse IP d'où sont partis les courriels, les enquêteurs remontent à Thierry F.
Ce n'était pas un coup d'essai. « L'enquête pénale révèle la répétition des comportements intrusifs dans des dossiers dont il n'est pas partie » , insiste M. Huber, qui porte l'accusation et requiert les sanctions au nom du ministre de la justice. En 2014, usant d'un courrier à en-tête de la Cour de cassation, Thierry F. avait écrit au procureur de Versailles pour attirer son attention sur une plainte pour violences conjugales et lui demander d'accélérer la procédure pénale à l'égard du mari. Il s'agit du même couple dont le désaccord devait être tranché cinq ans plus tard par la juge d'Orléans.
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