Texte recopié
tégé de Francis Bouygues, mis en examen l'an dernier pour abus de biens sociaux et écroué.
Sans compter des personnalités de premier plan comme Roland Dumas, président du Conseil constitutionnel, Jean-Pierre Mattei, président du tribunal de commerce de Paris, cités dans le cadre de nombreuses affaires, ou encore Henri Emmanuelli et Christian Nucci; des élus impliqués dans des scandales locaux, comme le maire de Lorient, Jean-Yves Le Drian, l'ex-maire d'Angoulême, Jean-Michel Bouche- |
ron, le sénateur du Gard, Claude Pradille, et son beau-frère, Max Blondin, vénérable de la loge Echo 2 de Nîmes, Michel Mouillot ou Jacques Médecin.
Certes, depuis, beaucoup de ces frères ont été exclus de leurs obédiences ou priés de se faire oublier, en attendant que la justice se prononce! Certes, toutes ces affaires n'ont rien à voir entre elles. Mais cela fait désordre pour une institution dont le but avoué est de participer à la recherche de la vérité et à l'étude de la morale! Ce sont d'ailleurs des frères qui, les premiers, ont, sous le pseudonyme de groupe Clemenceau, tiré la sonnette d'alarme au début des années 90, en dénonçant la «mainmise des vautours et des envieux». Depuis, jamais la clarté n'a été faite sur l'utilisation des complicités maçonnes dans ces affaires. Ces «frères véreux» sont-ils de simples brebis ga-leuses, comme l'affirment les dirigeants maçons, ou bien le fonctionnement de la maçonnerie, avec, notamment, sa pratique du secret, favorise-t-il des pratiques illicites? Méry, Schuller, Pradille se sont-ils appuyés sur des réseaux maçons pour faire fonctionner leurs systèmes de fausses factures, ou la connexion avec de nombreux frères vient-elle simplement du fait qu'ils sont nombreux dans le bâtiment et dans les sociétés d'HLM? En tout cas, Méry, lors de ses dépositions, a fait état de «relations maçonnes».
Il est établi que c'est Harris Puisais, maçon, ancien collaborateur de Mendès France, chargé de mission au cabinet de Pierre Bérégovoy, qui a utilisé les réseaux d'un frère, Michel Reyt, pour mettre au point un système de fi-nancement du Parti socialiste. C'est lui aussi qui a été l'instigateur de l'affaire Pechiney, avec deux amis maçons: Roger-Patrice Pelat et Max Théret.
Et quel rôle ont joué les liens maçons dans l'affaire du Crédit lyonnais? On y retrouve, là encore, de nombreux «Enfants de la Veuve»: Michel Gallot, président de la SDBO, Pierre Despessailles, président de chambre honoraire au tribunal de commerce de Paris, ancien directeur de la SDBO, Michel Mouillot, maire de Cannes, Giancarlo Paretti, Florio Fiorini, etc. De nombreux membres de la GLNF (Grande Loge nationale de France), l'obédience la plus fréquentée par les hommes d'affaires, affirment: «L'affaire du Crédit lyonnais est une succession de renvois d'ascenseur maçons. C'est explosif!»
Dans l'affaire de fausses factures qui touche Jacques Dupuydauby, ancien poulain de Francis Bouygues, ex-PDG d'une filiale du n° 1 du bâtiment, Cerail Espanan, il est troublant de consta-
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ter que les principales entreprises avec lesquelles sa société, Progosa, était en affaire sont réputées être des fiefs maçons: la Saur, filiale du groupe Bouygues, la Générale de transport et d'industrie, administrée par la Compagnie générale des eaux, la chambre de commerce et d'industrie Marseille-Provence.
Le secret est bien gardé
L'image de la franc-maçonnerie est à ce point atteinte qu'on parle un peu vite, à propos de la moindre affaire, d'affinités maçonnes. Ce fut le cas pour Loïk Le Floch-Prigent, qui n'a pas été initié, même si la rumeur publique n'a eu de cesse de le clamer. «L'appartenance à la maçonnerie aide indiscutablement à couvrir un certain nombre de comportements», affirme l'ancien garde des Sceaux Jacques Toubon, réputé bien connaître ce milieu. Mais on ne tient jamais la moindre preuve. Le secret est bien gardé. Aucun annuaire des loges ou des obédiences n'a jamais été divulgué. La révélation du nom d'un frère est punie d'exclusion. Et, souvent, les maçons jouent un double jeu. Demandez-vous à un frère s'il est maçon, il vous répondra, droit dans les yeux, qu'il ne l'est pas! C'est son droit. Et parfois, en effet, il ne l'est plus. Il ne fréquente plus sa loge, ne paie plus ses capitations. Pourtant, il continue de fonctionner avec le réseau.
L'immense majorité des maçons, qu'ils adhèrent à une loge dite «régulière», c'est-à-dire philosophique (Grande Loge nationale de France), ou traditionnelle (Grand Orient, Grande Loge de France), à savoir plus préoccupée de sujets politiques ou sociétaux, le font pour des motifs nobles. Ils sont en quête de spiritualité, de fraternité, d'une re-cherche intérieure, d'une émotion que Rudyard Kipling a très bien su exprimer dans un poème à sa loge: «Si tu peux être amant sans être fou d'amour/ Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre, /Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour/Pourtant lutter et te défendre...» On compte des hommes remarquables dans leurs rangs, comme Pierre Mendès France, Yehudi Menuhin, le président de la Croix-Rouge internationale, le Pr Marc Gentilini, le grand spécialiste des prématurés, le Pr Emile Papiernik, l'écrivain Gérard Israël, le président de la Cour des comptes, Pierre Joxe, le philosophe Michel Barrat, et même les judokas Angelo Parisi et Thierry Rey!
L’EXPRESS 2/4/98 p 93
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