14 octobre 2011 | Mise à jour 13h15
Lille : une nouvelle affaire met en cause des policiers
Le Point.fr - Publié le 12/10/2011 à 20:16 - Modifié le 14/10/2011 à 09:33
Une affaire de proxénétisme éclabousse Lille. Le propriétaire du Carlton et un avocat réputé ont été mis en examen. Cinq policiers ont été auditionnés. [ En raison d'un problème technique, il a été écrit jeudi sur notre page d'accueil que les cinq policiers étaient en garde à vue, alors qu'ils n'étaient qu'auditionnés comme il était écrit dans l'article. Nous nous excusons de cette erreur auprès d'eux et de nos lecteurs ]
Le Carlton de Lille est au centre de ce nouveau dossier. © Philippe Pauchet / La Voix du Nord/Maxppp
Au palais de justice de Lille, le dossier est codé, car jugé ultrasensible. Une cellule spéciale de quatre policiers a été mise en place au sein de la police judiciaire lilloise. Ses précautions ne sont pas de trop, car les faits sont explosifs. C'est une affaire de proxénétisme autour du groupe Politel qui regroupe trois hôtels lillois, dont le Carlton sur la Grand'Place , et qui mouille, outre les dirigeants de ce groupe, un avocat, des entrepreneurs locaux, des proxénètes belges et des policiers, le tout sur fond de réseaux francs-maçons. Une affaire délicate qui fait écho au dossier de Michel Neyret, numéro deux de la PJ , mis en examen et écroué pour corruption, trafic d'influence, association de malfaiteurs, trafic de stupéfiants, détournement de biens et violation de secret professionnel.
Parties fines
L'IGPN a entendu cinq policiers, dont un commissaire divisionnaire. Au centre de cette affaire, un personnage trouble : René Kojfer, chargé des relations publiques au Carlton. Il a été le premier dirigeant de l'hôtel à avoir été mis en examen pour proxénétisme aggravé en bande organisée. Un choc dans le milieu du luxe et de la nuit dans lequel gravitait depuis trente ans cet ancien marchand de vêtements. Ce personnage réputé proche du monde policier (en clair, un indic) est soupçonné d'avoir recruté des prostituées et de les avoir fournies à un proxénète belge, un certain Dominique Alderweireld, dit Dodo, interpellé et écroué en Belgique. Cet ancien proxénète du nord de la France possède une dizaine d'établissements (bars montants) dans lesquels se prostituent 160 hôtesses venues d'Angola, de Madagascar, du Brésil, de France, d'Algérie et d'Irak. Certaines de ces filles pouvaient participer à des parties fines dans les trois hôtels lillois.
Depuis une semaine, les auditions se multiplient devant deux juges d'instruction lillois. Le P-DG du groupe d'hôtels, Hervé Franchois, et un avocat réputé du barreau lillois, Me Emmanuel Riglaire, ont été placés en garde à vue. Le premier a été mis en examen jeudi soir pour proxénétisme aggravé en bande organisée. Il a ensuite été écroué. Le second a aussi été mis en examen jeudi soir dans cette affaire, avant d'être laissé libre. À sa sortie, en s'écroulant dans les bras d'un de ses collaborateurs, il s'est écrié : "Merci d'être là, je vous jure que je ne suis pas un proxénète." Figure du barreau lillois, cet homme d'une quarantaine d'années a notamment plaidé en octobre 2009 devant la cour d'assises du Nord pour la famille du petit Enis, enlevé, séquestré et violé à 5 ans par le pédophile Francis Evrard. Il a également représenté la famille de Natacha Mougel, une joggeuse violée et tuée à Marcq-en-Baroeul en septembre 2010.
Me Emmanuel Riglaire, spécialisé dans la défense de policiers, est soupçonné d'avoir touché une enveloppe de la part de Dodo par l'intermédiaire de René. Il aurait notamment présenté une de ses clientes à René, qui lui-même l'a présentée à Dodo pour qu'elle se prostitue dans les bars de Dodo en Belgique et les hôtels lillois. Depuis l'incarcération de René et de Dodo, d'autres dirigeants du groupe Politel ont été mis en examen pour proxénétisme aggravé en bande organisée.
Adjoint de Michel Neyret
Cinq policiers, dont un commissaire divisionnaire, sont aussi dans le collimateur des juges. Notamment un ancien adjoint de Michel Neyret à la brigade de recherche et d'intervention à Lyon, entre 1990 et 1995. Les juges s'intéressent au rôle de ce patron de service et des quatre autres policiers dans le fonctionnement du réseau. Le commissaire divisionnaire aurait notamment co-organisé avec un chef d'entreprise, en garde à vue, une partie fine à laquelle aurait participé un homme politique. Il apparaît dans la procédure qu'un officier de police judiciaire, l'ancien chef des moeurs à Lille, était au courant des activités reprochées aujourd'hui à René Kojfer. Encore une histoire d'indics qui tourne mal.
Par Jean-Michel Décugis
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