Une publication de Médiapart du 18 mars 2019 révèle vingt ans de corruption et d'affairisme crapuleux du milieu de la justice
Des écoutes oubliées ébranlent la défense de TAPIE PAR LAURENT MAUDUIT ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 18 MARS 2019 - Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr (imprimez l'original en PDF)
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Dans une affaire d’extorsion de fonds, Jean-Pierre Bernès, ancien dirigeant de l’Olympique de Marseille, a été mis sur écoute en 2014. Dans des conversations enregistrées, il dit que l’arrêt de la cour d’appel d’Aix en-Provence du 4 juin 1998, au terme duquel Bernard Tapie échappe miraculeusement à la prison,
« a été acheté ». C’est le président de ce tribunal que l’arbitre Pierre Estoup aurait, à l’époque, approché. Il dit que la procédure civile a aussi été corrompue.
Ce sont des écoutes téléphoniques qui n’ont pas été versées dans le dossier d’instruction du célèbre arbitrage frauduleux mais dont Mediapart a obtenu la transcription. Elles risquent d’ébranler la défense de Bernard Tapie, ainsi que celle de l’ex-arbitre Pierre Estoup.
Dans une affaire d’extorsion de fonds, qui n’a rien à voir avec l’affaire Tapie, Jean-Pierre Bernès, agent de joueurs de foot et ancien dirigeant de l’Olympique de Marseille, longtemps très proche de Bernard Tapie, a été placé sur écoutes en 2014. Dans l’une des conversations enregistrées par la police, il affirme que l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 4 juin 1998, au terme duquel Bernard Tapie échappe, contre
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toute attente, à la prison, « a été acheté ». C’est le président de ce tribunal que l’arbitre Pierre Estoup aurait, à l’époque, approché.
Pierre Estoup.
© capture d'écran France 2
Ces écoutes téléphoniques ont été effectuées par la Brigade nationale de lutte contre la criminalité organisée, en Corse, dans le cadre d’une information judiciaire ouverte pour « extorsion en bande organisée, association de malfaiteurs, recel, blanchiment, abus de biens sociaux, recel d’abus de biens sociaux ». Les retranscriptions dont nous disposons sont celles d’écoutes réalisées en novembre et décembre 2014. Et la personne écoutée est JeanPierre Bernès, lors de ses échanges avec une autre personne que les procès-verbaux établis par la police dénomment « P » ou « Philippe ». Dans un procèsverbal en date du 12 décembre 2014, il est indiqué que la police a adressé une réquisition à l’opérateur téléphonique SFR pour connaître l’identité de ce « P » et qu’il s’agit de Philippe Amram, l’un des avocats de Jean-Pierre Bernès.
Cette affaire d’extorsion de fonds, qui vaut à l’époque à Jean-Pierre Bernès d’être placé sur écoutes – il en est la victime et la police cherche à identifier ceux qui le menacent (lire ici) –, n’a donc strictement rien à voir avec l’affaire Tapie. Sans doute est-ce la raison pour laquelle elle n’a pas été versée dans le dossier d’instruction de l'arbitrage. Mais il y a tout de même une connexion entre les deux, car JeanPierre Bernès, ancien cadre dirigeant de l’Olympique de Marseille, a longtemps accompagné Bernard Tapie dans ses aventures et a été happé dans les mêmes turbulences judiciaires que lui, celles des comptes du club de foot marseillais.
Jean-Pierre Bernès, qui a été l’agent de quelques-uns des plus grands joueurs français (Franck Ribéry, Mathieu Valbuena, Didier Deschamps…), connaît donc par cœur cette histoire des comptes de l’OM et |
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sait tout des jugements prononcés dans le cadre de cette procédure, aussi bien au pénal qu’au civil. C’est notamment de cela qu’il parle avec son avocat.
Or, c’est là que les deux histoires se croisent, car dans l’affaire Tapie, l’un des jugements de cette affaire des comptes de l’OM est au cœur de la confrontation judiciaire, car il pourrait constituer l’un des indices les plus forts établissant que l’ancien magistrat Pierre Estoup était de mèche, de très longue date, avec Bernard Tapie et qu’il a donc été choisi pour organiser un simulacre d’arbitrage.
Que l’on se souvienne des péripéties de ce chaînon majeur de l’histoire qui a déjà été évoquée, mardi 12 mars, lors de la deuxième audience du procès Tapie, et qui a donné lieu aux premières joutes entre la présidente du tribunal, Christine Mée, et Bernard Tapie (lire ici). Au printemps 1998, cette affaire des comptes de l’OM arrive devant la cour d’appel d’Aixen-Provence.
À l’époque, Bernard Tapie joue très gros car, en première instance, le 4 juillet 1997, le tribunal de Marseille lui a infligé trois ans de prison dont, dixhuit mois ferme, pour faux et usage de faux, complicité d’abus de confiance et d’abus de biens sociaux. L’ancien président du club de football marseillais et plusieurs de ses collaborateurs étaient prévenus d’avoir orchestré le détournement de 101 millions de francs des caisses de l’OM et de sa régie publicitaire de 1987 à 1993. La condamnation en première instance clôt un procès très mouvementé, au cours duquel Bernard Tapie a deux crises cardiaques (ou les simule, selon certains), ce qui lui permet de ne pas être arrêté à la barre à la fin du procès.
Bernard Tapie a donc tout à craindre du procès en appel, à Aix-en-Provence. D’autant que l’avocat général requiert quatre ans de prison ferme, dont deux ans avec sursis, à l’encontre de l’homme d’affaires. L’avenir s’annonce sombre : cette fois, il a de fortes chances d’aller tout droit en prison.
Mais le 4 juin 1998, contre toute attente, la cinquième chambre correctionnelle de la cour d’appel d’Aix-enProvence rend un arrêt condamnant Bernard Tapie à trois ans d’emprisonnement avec sursis, à une
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peine d’amende de 300 000 francs et à cinq ans de privation des droits civiques. Les réquisitions de l’avocat général n’ont pas été suivies par le président du tribunal, Franck Lapeyrère. L’homme d’affaires évite la prison et quitte le palais de justice, le sourire aux lèvres, avec pour seule réaction : « Trop heureux pour avoir envie de dire autre chose… » Les principaux collaborateurs de Bernard Tapie à l’OM sont également condamnés à des peines de prison avec sursis : l’ancien directeur général Jean-Pierre Bernès écope de deux ans, le directeur financier Alain Laroche de deux ans et demi, le contrôleur financier Élie Fellous de deux ans et demi, ou encore le manager Michel Hidalgo de huit mois.
Or, en scrutant toutes les affaires brassées dans le passé par Bernard Tapie et ses démêlés judiciaires antérieurs, la police judiciaire chargée de l’enquête sur l’arbitrage frauduleux a fait une découverte saisissante. Comme on le sait, elle a trouvé des indices attestant que l’arbitre Pierre Estoup n’avait pas seulement caché ses relations anciennes avec Bernard Tapie et son avocat Me Maurice Lantourne. Elle a aussi découvert que le même Pierre Estoup était intervenu en faveur de Bernard Tapie à l’occasion de ce procès en appel d’Aix-en-Provence – ou avait tenté d’intervenir. La police a établi qu’il était venu rencontrer le président du tribunal, Franck Lapeyrère à deux reprises, une première fois juste avant cet arrêt du 4 juin 1998, une seconde fois juste après. Pourquoi cette démarche ? Pour demander que Bernard Tapie soit traité avec indulgence, de sorte qu’il n’aille pas en prison ?
Lors de l’instruction de l’affaire Tapie, la police judiciaire s’est d’autant plus intéressée à cet épisode qu’elle a fait à l’époque une autre découverte, qui a fait très grand bruit. Lors d’une perquisition dans l’un des domiciles de Pierre Estoup, elle a saisi un exemplaire d’un livre de Bernard Tapie Librement (éditions Plon), avec cette dédicace en date du 10 juin 1998 : « Pour le Président Pierre Estoupe, en témoignage de mon infinie reconnaissance. Votre soutien a changé le cours de mon destin. Je vous remercie d’avoir eu l’intelligence et le cœur de chercher la vérité cachée |
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derrière les clichés et les apparences. Avec toute mon affection. B. Tapie. » En clair, six jours tout juste après un arrêt inattendu au terme duquel il échappe à la prison, Bernard Tapie exprime sa gratitude à Pierre Estoup de manière appuyée.
L’oubli « miraculeux » de Maître Henri Nespoulos Placé en garde à vue pendant l’instruction, Bernard Tapie a nié la moindre collusion et a assuré que Pierre Estoup n’était en aucune façon mandaté par lui pour faire ces démarches. Au deuxième jour du procès, mardi 12 mars, il a de nouveau nié qu’une quelconque pression ait été exercée par lui ou un intermédiaire sur le tribunal d’Aix-en-Provence. Il a aussi fait valoir qu’il avait dédicacé ce livre à Pierre Estoupe, au lieu d’Estoup, la faute d’orthographe attestant, selon lui, qu’il ne connaissait pas personnellement celui qui allait devenir bien plus tard l’un des arbitres.
Devant les juges d’instruction, Pierre Estoup avait, quant à lui, prétendu qu’il avait été sollicité pour une consultation juridique permettant à Bernard Tapie un non-cumul de peines.
Au deuxième jour d’audience du procès Tapie, mardi 12 novembre, cette histoire de dédicace a donc occupé une bonne partie des débats. Et, comme à son habitude, Bernard Tapie a fait front, assurant qu’en 1998, il avait certes dédicacé un livre à Pierre Estoup, mais sans le connaître ni l’avoir rencontré, et qu’il ne se souvenait donc plus de son nom quand, en 2007, neuf ans plus tard, son avocat, Me Lantourne, avait suggéré qu’il soit l’un des trois arbitres. « Neuf ans plus tard, je ne me rappelle pas plus de son nom que je me souviendrai du vôtre dans trois semaines », a ironisé Bernard Tapie à l’adresse de la présidente du tribunal, avant d’ajouter que dans le passé, il avait aussi dédicacé des livres
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à l’ex-juge d’instruction Eva Joly. « Si je suis votre raisonnement, elle m’a donné six non-lieux à cause de la dédicace ? » s’est moqué Bernard Tapie.
Si Bernard Tapie a pu jouer sur ce registre, c’est que le président de la cour d’appel d’Aix-enProvence, Franck Lapeyrère, a toujours contesté que des pressions aient été exercées sur lui. Entendu comme témoin par la police judiciaire le 10 juin 2013, puis par le magistrat instructeur, Serge Tournaire le 18 octobre suivant, il a admis qu’à l’époque, Pierre Estoup a cherché effectivement à le rencontrer à deux reprises. Une première fois environ 15 jours avant les audiences, qui se sont déroulées les 24, 25, 26 et 27 mars. « Il a cherché à me rencontrer, mais je ne l’ai pas vu », a dit le magistrat devant le juge d’instruction. Et puis, selon sa version, Pierre Estoup serait revenu le voir « quinze jours ou trois semaines » après l’arrêt, toujours en vain.
Alors Pierre Estoup a-t-il vraiment tenté d’infléchir l’arrêt de la cour d’appel ? Cet épisode du procès d’Aix-en-Provence de 1998, suivi de la dédicace, risque donc d’occuper encore de nombreux débats lors du procès. L’ex-arbitre Pierre Estoup, qui sera appelé à la barre mardi 19 mars, risque en particulier d’être longuement interrogé, de nouveau, à ce sujet.
Or, c’est en cela que les écoutes téléphoniques de JeanPierre Bernès apportent un éclairage saisissant. Car, l’intéressé connaît effectivement très bien Bernard Tapie, qu’il a accompagné dans son aventure à l’Olympique de Marseille. Avec lui, il est condamné à une peine de prison (avec sursis dans son cas), en 1995, dans l’affaire du match truqué OM-Valencienne. Et puis, surtout, il est happé, comme Bernard Tapie, dans l’affaire des comptes de l’OM, dans la procédure |
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pénale aussi bien que dans la procédure civile… Il est donc l’un des meilleurs connaisseurs de ce dossier judiciaire,.
Or, c’est précisément de cette affaire des comptes de l’OM que parle longuement Jean-Pierre Bernès dans les conversations qui ont fait l’objet d’écoutes judiciaires, dans le cadre d’une autre affaire, celle de la tentative d’extorsion de fonds à l’encontre de l’agent. Quand commencent les premières écoutes téléphoniques, Jean-Pierre Bernès est visiblement furieux, car il a appris par la presse que la police judiciaire, saisie de l’affaire de l’arbitrage, s’est replongée dans l’histoire de l’arrêt de 1998 d’Aix et que le président du tribunal, Franck Lapeyrère, a été entendu comme témoin. Or, lui sait une chose que les enquêteurs n’ont pas à l’esprit : c’est que Bernard Tapie n’a pas seulement échappé à la prison dans le volet pénal de l’affaire des comptes de l’OM ; dans le volet civil, il est également parvenu à échapper à la justice.
En clair, il y a eu une autre étrange coïncidence, une de plus. Comme le raconte Le Monde en juin 2016, Jean-Pierre Bernès a été condamné le 9 décembre 1998 à payer la somme de 15,2 millions d’euros, dans ce volet civil, solidairement avec une dizaine d’autres responsables du club – somme qui sera ramenée ultérieurement à 11 millions, dont 2,3 à la charge de Jean-Pierre Bernès. Mais Bernard Tapie, qui est solidaire de cette condamnation, échappe, contre toute attente, à la sanction pécuniaire, parce que l’administrateur judiciaire, Me Henri Nespoulos (depuis décédé), oublie (« miraculeusement », dixit Le Monde) de déclarer la créance de plusieurs millions d’euros sur Bernard Tapie. Lequel parvient donc, par un concours de circonstances inouï, à échapper à la prison dans le volet pénal de l’affaire, et à échapper à toute sanction pécuniaire dans le volet civil.
Au cours des conversations qu’il a fin 2014 avec son avocat, et que la police judiciaire enregistre, JeanPierre Bernès ne décolère donc pas, constatant que Bernard Tapie s’en tire sans encombre sur tous les fronts, sans payer un centime de sa poche, alors que lui va devoir débourser une fortune.
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Dans une première conversation qui a lieu le 18 novembre 2014, à partir de 16 h 37, Jean-Pierre Bernès s’emporte ainsi et, évoquant d’abord la procédure pénale qui a été accommodante pour Bernard Tapie, puis la procédure civile qui a été sévère pour lui, il lâche : « C’est un jugement […] qui a été acheté à l’époque, qui a été payé à l’époque […]. Un juge […] a touché du pognon pour faire rendre ce jugement et maintenant, on me demande dans un certain contexte un paiement […] ; ça me plaît pas ; ça me plaît pas… »
Quelques jours plus tard, le 28 novembre 2014, la conversation reprend à 17 h 39. Jean-Pierre Bernès et son avocat continuent d’échanger sur l’arrêt de 1998 dont a profité Bernard Tapie dans la procédure pénale et évoquent la mise en examen de Pierre Estoup et l’audition du magistrat Franck Lapeyrère par Serge Tournaire à ce sujet. « Tout le monde sait qu’il y a une enculerie dans ce jugement. Y a une enculerie ! » s’indigne Jean-Pierre Bernès, qui poursuit : « Le truc, c’est que Lapeyrère, c’est un juge malhonnête. Tout le monde le sait. C’est un juge malhonnête. » Et évoquant les deux assesseurs qui entouraient le président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, il ajoute : « Et en plus dans les trois [magistrats composant le tribunal], y a la mère de mon… de Julien Bérenger, l’avocat, tu vois, l’avocat que je connais […]. C’est sa mère qui était là-dedans, tu vois, donc je sais… Sa mère, elle ne sait plus où se mettre quand elle parle de moi… Donc, c’est un type qui a rendu un truc malhonnête. »
« Il est arrivé qu’Estoup travaille avec nous sur certains dossiers » Vérification faite, l’une des assesseures du procès d’Aix-en-Provence de 1998 était bel et bien la magistrate Marie-Claude Berenger (décédée depuis) – Franck Lapeyrère a évoqué son nom lors de son audition devant le juge Tournaire –, laquelle magistrate avait un fils, dénommé Julien, qui est avocat du sport à Marseille. Ce dernier n’a pas fait suite à nos appels.
Plus loin, lors de la même conversation, Jean-Pierre Bernès – qui n’a pas plus fait suite à nos appels – fait comprendre qu’il ne croit pas un seul instant que l’administrateur judiciaire, Me Henri Nespoulos, ait |
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put oublier d’effectuer la déclaration de créances sur Bernard Tapie. Évoquant ce dernier, il ajoute : « Il s’est arrangé avec Nespoulos, point barre. Il s’est arrangé avec Nespoulos, c’est tout. »
À la fin de la conversation, c’est le capitaine de police faisant la retranscription qui résume les derniers échanges : « P. explique à JPB que s’ils déposent plainte contre Lapeyrère pour escroquerie au jugement, il y a un problème de prescription, car l’arrêt est de 98. Sauf à dire que l’escroquerie de Lapeyrère n’a été découverte que maintenant. Dans ce cas, le dépôt de plainte contre Lapeyrère est possible. »
Nouvelle conversation le 8 décembre 2014 entre les mêmes, en fin de matinée. Jean-Pierre Bernès est plus que jamais furibard. « Parce que, comme tu sais, l’enculerie, elle s’est faite à Aix […]. Elle s’est faite à Aix avec Lapeyrère, le juge qui a rendu le jugement, qui a été acheté par l’Estoup », dit-il. Avant de reprendre quelque temps plus tard : « Ce que je voudrais qu’on arrive à faire, c’est à démonter la différence de jugement qu’il y a entre Marseille et Aix, parce que la magouille, elle s’est pas faite à Marseille. Ils ont fracassé, ils ont fracassé ; c’est à Aix […] que les juges ont été achetés, tu comprends… » Et cette fois encore, Jean-Pierre Bernès évoque l’assesseure de la cour d’appel d’Aix : « Figure-toi que dans […] les trois juges, il y a Mme Berenger, qui, figure-toi, est la mère de mon avocat, enfin de l’avocat Julien Berenger qui s’occupe des [inaudible]. C’est sa maman, c’est sa maman. »
Et plus loin, Jean-Pierre Bernès poursuit en boucle : « Le jugement, il a été acheté, point barre, ça sert à rien de, l’Estoup, pas l’Estoup, Lapeyrère, pas Lapeyrère […]. Ils ont tous mis la main dans la confiture et aujourd’hui, moi, on me demande payer, et moi je paierai pas, voilà, c’est tout. »
Comment faut-il donc interpréter les propos de JeanPierre Bernès, qui connaît très bien Bernard Tapie, pour avoir travaillé de longues années à son côté ?
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Il y a deux hypothèses. Soit l’intéressé sait quelque chose sur les conditions dans lesquelles l’arrêt de la cour d’appel d’Aix du 4 juin 1998 a été rendu. Soit il ne fait qu’interpréter les deux décisions « miraculeuses » dont profite Bernard Tapie, dans la procédure pénale et dans la procédure civile, et en vient à penser que cela ne peut pas être une coïncidence.
Cet épisode n’est pas le seul qui peut laisser à penser que l’arbitre Pierre Estoup avait partie liée avec le clan Tapie. La police judiciaire a retrouvé la trace d’autres arbitrages, dans le passé, auxquels ont participé l’exmagistrat et l’avocat de Bernard Tapie, Me Lantourne, ce que Pierre Estoup a caché au début de l’arbitrage Tapie.
Et puis le juge d’instruction Serge Tournaire a également recueilli le 22 novembre 2013 la déposition de Me Francis Chouraqui, qui était l’avocat d’André Guelfi (1919-2016), alias Dédé-la-Sardine, lequel avait passé avec Bernard Tapie, du temps où ils étaient tous les deux incarcérés à la prison de la Santé, un « deal » au terme duquel, ils partageraient les gains éventuels des arbitrages dont ils pourraient l’un et l’autre bénéficier, un arbitrage contre Total dans le cas de Guelfi, et l’arbitrage contre le CDR dans le cas de Tapie (lire ici et là). Or, devant le juge d’instruction, Me Chouraqui a admis qu’il ne se bornait pas à conseiller Dédé-la-Sardine. « Il m’est arrivé de donner des conseils à Bernard Tapie », a-t-il déclaré. Avant d’ajouter : « Il est arrivé que Pierre Estoup travaille avec nous sur certains dossiers. »
Mais il est exact que l’épisode d’Aix-en-Provence reste l’un de ceux où la défense de Bernard Tapie et celle de l’ex-arbitre Pierre Estoup sont des plus fragiles. Mais, curieusement, Jean-Pierre Bernès, selon nos informations, n’a pas été entendu lors de l’instruction de l’affaire de l’arbitrage, pas plus qu’il n’est cité comme témoin lors du procès. À l’évidence, pourtant, il connaît un chaînon de l’histoire, qui pourrait être décisif. |
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