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  - Le magazine Lyon Mag (Voir aussi des avis sur le blog d'un avocat sur cette affaire)
       " ... Fin juin quinze figures du milieu grenoblois ont été remise en liberté par la cour d'appel à la suite d'une erreur commise par un juge d'instruction ... arrêtés par 250 policiers ... erreur... juge FONTAINE ... " procédure a été annulée ... quatre années d'enquêtes et un dossier de 25000 pages ! "

 
Extraits d'une page du blog du site :
http://www.maitre-eolas.fr/post/2005/06/27/149-un-reve-davocat

Journal d'un avocat
Instantanés de la justice et du droit

Un rêve d'avocat : la nullité de l'instruction à Grenoble.
Par Eolas le Lundi 27 juin 2005 à 11:59 :

Je peux vous dire qu' un coup comme ça , tous les avocats en rêvent.

Quinze caïds présumés du milieu grenoblois, arrêtés en décembre dernier pour «pour «association de malfaiteurs, délit ou crime en bande organisée, proxénétisme, blanchiment d'argent», viennent d'être remis en liberté à la suite de «l'erreur» du juge d'instruction chargé du dossier, qui est allé au-delà du domaine sur lequel il devait enquêter, a-t-on appris de source judiciaire. La chambre d'instruction de la cour d'appel de Lyon a «annulé» toute la procédure, soit quelque 25.000 pages du dossier représentant quatre ans d'enquête pour «vice de forme». «C'est en méconnaissance (...) des limites de sa saisine que le juge d'instruction, commettant un excès de pouvoir, et se saisissant lui-même de faits dont l'instruction ne lui était pas confiée, a prescrit des investigations totalement étrangères à l'instruction du délit de tentative d'extorsion et concernant le milieu grenoblois», écrivent les magistrats lyonnais qui estiment que le juge a commis «un excès de pouvoir».

Il faut savoir qu'un juge d'instruction, s'il a les plus larges pouvoirs pour,   conformément à la loi, procéder à tout acte d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité   (article 81 du Code de procédure pénale, CPP), ne peut toutefois agir que s'il est saisi des faits, c'est à dire pour faire simple, que quelqu'un ayant le pouvoir de lui demander d'enquêter l'ait fait. C'est une limite fondamentale à son pouvoir.

Cette saisine peut concrètement venir de deux personnes : le procureur de la République et la victime. Le procureur le demande par un réquisitoire introductif, la victime par une plainte. Encore que la plainte de la victime est d'abord transmise au procureur qui prend des réquisitions : on peut dire que la case procureur est un passage obligé.

Le juge d'instruction est saisi in rem et non  in personam. C'est à dire qu'il est saisi de faits, et non chargé d'enquêter sur une personne déterminée. Cela signifie que quand le procureur prend un réquisitoire contre Machin, contre qui il existe des indices graves et concordants d'avoir commis l'infraction d'extorsion, il peut mettre en examen Machin, mais aussi Truc et Bidule s'ils sont mêlés aux faits, et ce même si aucun réquisitoire ne lui a demandé. En revanche, il ne peut pas sortir du périmètre des faits dont il est saisi.

C'est l'article 80 du CPP :
Lorsque des faits, non visés au réquisitoire, sont portés à la connaissance du juge d'instruction, celui-ci doit immédiatement communiquer au procureur de la République les plaintes ou les procès-verbaux qui les constatent.

Le procureur a alors le choix entre délivrer un réquisitoire supplétif, c'est à dire qu'il demande au juge de continuer son enquête en l'élargissant aux faits qu'il a découvert, soit délivrer un réquisitoire introductif (c'est un dossier distinct qui est ouvert, et qui peut être confié au même juge d'instruction), soit saisir directement le tribunal correctionnel si les faits sont simples et établis, soit faire procéder à une enquête de police sous sa direction, une instruction étant une procédure lourde et longue, soit classer sans suite.

Un juge qui continuerait à instruire sur des faits dont il n'a pas été saisi instruirait illégalement et la procédure serait nulle. Précisons que le juge peut librement requalifier les faits (par exemple, un juge saisi d'un viol requalifie en agression sexuelle, estimant que l'acte de pénétration sexuelle n'est pas établi, seuls des attouchements obscènes étant prouvés). Mais les faits doivent être les mêmes.

C'est ce qui s'est passé à Grenoble. Le juge d'instruction était saisi depuis 2000 d'un réquisitoire introductif visant des faits de tentative d'extorsion. De fil en aiguille, son enquête a révélé des faits graves commis dans le milieu grenoblois et portant sur des faits de blanchiment, proxénétisme et association de malfaiteurs. Il s'était éloigné des faits originaux et n'a pas demandé de réquisitoire supplétif. Pendant 5 ans, tout va bien, car il n'a procédé à aucune mise en examen : l'instruction progressait dans le secret. Ce n'est que récemment qu'il a lancé le coup de filet qui a abouti à 15 arrestations. Ces mises en examen ont annoncé l'entrée en scène des avocats, et mes confrères ont fait ce que tout pénaliste digne de ce nom fait en premier en examinant le dossier d'instruction : ils ont vérifié les réquisitoires. Et découvert que seul un réquisitoire pour tentative d'extorsion figurait au dossier. Il ne leur restait qu'à saisir la chambre de l'instruction, qui a annulé le dossier. Et je peux vous dire qu'une chambre de l'instruction fait droit à une demande en nullité avec la même joie que la votre quand vous allez vous faire enlever les dents de sagesse. Le sourire est crispé.

Ce qui a rendu cette nullité catastrophique, c'est qu'elle remonte au début du dossier, et frappe tous les actes postérieurs à cette nullité. Pour prévenir des nullités trop radicales, la loi prévoit que ces nullités ne peuvent être soulevées que dans les six mois qui suivent le premier interrogatoire d'une partie postérieur à cette nullité (article 173-1 du CPP). Le fait d'avoir tant tardé à mettre en examen les personnes impliquées a fait que la nullité a frappé les cinq ans de procédure : autant dire que le dossier, qui était énorme, est irrécupérable.

Ce genre de bévue est rarissime. J'utilise le terme bévue car c'est une erreur de débutant que le juge d'instruction a commise ici. S'il est une chose qu'on doit leur répéter jusqu'à l'écoeurement à l' ENM , c'est de ne jamais instruire sans réquisitoire. Je suppose que l'erreur vient du fait qu'il a cru que son réquisitoire introductif était suffisant et qu'il ne faisait que requalifier les faits, alors que progressivement, il avait commencé à enquêter sur des faits bel et bien distincts. Difficile à dire. On voit ici une conséquence de la terrible solitude du juge d'instruction : le procureur affecté au dossier n'effectue pas de suivi, ce n'est pas le rôle du greffier de vérifier la régularité de la procédure.

La question qui va agiter l'opinion publique (on peut compter sur notre ministre de l'intérieur pour ne pas calmer le jeu) est : ce juge va-t-il être sanctionné ?

La réponse est naturellement oui. Mais il ne sera pas révoqué, mis à la retraite, ou muté d'office. Il a commis une faute professionnelle, mais n'a pas violé les devoirs essentiels de la profession. La conséquence est que des présumés innocents ont été remis en liberté et ne seront pas inquiétés pour ces faits là. Ce n'est pas un Outreau bis. La notation du juge va en prendre un sacré coup, et ses perspectives de carrière se seront assombries. Telle sera sa sanction. Et cette affaire, pour regrettable qu'elle soit d'un certain point de vue (elle ne l'est pas du point de vue des avocats de la défense) n'implique pas que ce juge soit un incompétent dangereux. Durant ces 5 années, il a dû mener de bout en bout d'autres instructions qui n'ont pas donné lieu à de spectaculaires nullités.

De plus, il faut distinguer la faute de ses conséquences. Il arrive que des nullités soient prononcées sur le même fondement sans compromettre l'instruction : seuls quelques procès verbaux sont écartés, des scellés restitués, mais le reste du dossier contient assez d'éléments légalement recueillis pour que le dossier aille à son terme devant un tribunal. Là, du fait du laps de temps écoulé entre la faute et sa découverte par les avocats des mis en examens, c'est tout le dossier qui a été annihilé.

Plutôt que de se méfier des juges d'instructions qui ne sont pas plus à l'abri de l'erreur que les simples mortels, je recommande de se méfier de l'exploitation politicienne de cet incident qui va immanquablement être faite.

Commentaires

1.   Le Lundi 27 juin 2005 à 13:25 par  arno

Bonjour, je tiendrais à réagir humainement car l'erreur du juge ne doit pas faire oublier que les faits sont bien là. Certes le dossier est irrécupérable et les mis en cause feront bien attention à l'avenir mais quel dommage pour la société de ne pouvoir juger ces personnes.
Personnellement je regrette qu'il n'y ait aucun moyen de "faire appel" d'une erreur de procédure pour les victimes qui seraient alors beaucoup plus à même de se défendre face à des personnes qui ne sont là que pour "casser" ces procédures.

Si un avocat soulève une nullité, les victimes qui se sont constituées partie civile sont convoquées à l'audience et peuvent présenter leur argumentation tendant au rejet de la nullité. Il n'y a pas d'appel des décisions de la chambre de l'instruction car celle ci est déjà une juridiction d'appel (le juge d'instruction peut lui même prononcer la nullité de ses propres actes en première instance). Pour le reste, le choix est entre la répression et les garanties de la défense. Ces 15 personnes risquaient d'être privées de leur liberté car elles ont eu des agissements interdits par la loi. La moindre des choses, dans un Etat de droit comme le notre, est que l'autorité qui va prononcer cette sanction respecte elle aussi la loi.

Eolas

2.   Le Lundi 27 juin 2005 à 13:26 par Sébastien Bonnefoy
Et pour la suite, même si aucune pièce du dossier ne peut être utilisée, le fond ne peut-il pas être repris dans un autre dossier? Si les prévenus sont à nouveau mis en examen, pour de nouveaux faits et qu'il y a des collisions avec le dossier annulé, cela peut-il faciliter le travail de l'avocat de la défense?
En tant que néophyte, j'ai du mal à comprendre comment des "preuves" peuvent être oubliées et n'être pas reprises par un autre juge... Ou bien l'ensemble de l'instruction est secrete et donc seulement "cachée"?

L'article 174 du CPP interdit de tirer des actes et des pièces ou parties d'actes ou de pièces annulés aucun renseignement contre les parties, à peine de poursuites disciplinaires pour les avocats et les magistrats. Mais rien n'interdit de réitérer les actes : ré-entendre les témoins, saisir à nouveau les pièces restituées, tant qu'aucune allusion n'est faite dans la procédure aux actes annulés. En l'espèce, ce que j'ai oublié de souligner dans le billet, c'est que tous les actes ayant été annulés depuis 2000, les délits sont probablement prescrits.

Eolas

3.   Le Lundi 27 juin 2005 à 13:29 par   Mathieu
Bonjour Maître,
Billet une fois de plus très intéressant, mais ....

....
Il existe des cas d'instructions menées à plusieurs magistrats (nombre de mes confrères ont tremblé devant le terrible duo formé par Eva Joly et Laurence Vichnevsky au pôle financier). Cela concerne les dossiers économiques et financiers complexes et l'antiterrorisme. Nous autres avocats discutons assez de nos dossiers informellement pour échanger des idées ou suggestions pour que je sache combien le fait de travailler à plusieurs peut être une aide précieuse et éviter des erreurs. Mais cette collégialité est exceptionnelle, et la plupart des dossiers sont fort bien ùenés par un magistrat agissant seul. L'idée des entretiens est impraticable en fait. Songez que chaque juge d'instruction mène de front plusieurs dizaines de dossiers, généralement proche de la centaine. Qu'à Paris seulement, il y a plusieurs dizaines de juges d'instruction. la vérificatio nde tous ces dossiers occuperait le prsident de la chambre de l'instruction à plein temps, sans qu'il puisse tous les vérifier. Non, si un contrôle permanent devait être effectué, ce serait à mon avis au procureur de le faire. On ne voit jamais le bout de son nez sauf s'il y a débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention. Il n'agit qu'à la fin de l'instruction pour prendre des réquisitions de non lieu, de renvoi devant le TC ou de mise en accusation. Cela fait longtemps que je souhaite qu'il devienne un acteur à l'instruction, qu'il soit notre contradicteur, plutôt que le juge d'instruction ne soit son supplétif.
....

10.   Le Lundi 27 juin 2005 à 16:58 par   groM
www.libe.fr/page.php?Arti...
L'article indique que le juge grenoblois aurait été dessaisi au profit d'une juridiction lyonnaise et que, pas de bol, la position de la CA de Lyon est différente de celle de la CA de Grenoble sur ce type de dossiers. Le dessaisissement serait dû à la loi Perben je-sais-plus-combien qui exigerait que les instructions contre les bandes organisées soient faites par des "pôles régionaux". Je ne connais pas assez bien cette loi, l'explication sur la différence de jurisprudence me semble assez peu crédible, mais le transfert du dossier ne doit pas améliorer la probabilité d'erreur de procédure.  

La citation de Sarko est surtout assez édifiante: "C'était utile que je lance ce débat, que je pose ces questions et qu'enfin on agisse". Il parle et l'action est déjà en marche. A quand la guérison des écrouelles ?

Perben II. L'explication me semble alambiquée. Vérité en deça de l'Isère, erreur au delà du Rhône ? 5 ans d'instruction, 22 mises en examen, 25000 pages de dossier sur un simpel réquisitoire supplétif de tentative d'extorsion, je ne vois pas comment la cour de Grenoble, même avec la meilleure volonté du monde, aurait pu valider. ....

15.   Le Mardi 28 juin 2005 à 00:14 par   djehuti
juste une petite réflexion pour terminer...
c'est totallement impensable d'envisager une lutte intestine entre Lyon et Grenoble, hein ?

.....

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