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Francs-maçons, bas les masques !Créé le 03-04-2012 à 15h51 - Mis à jour le 04-04-2012 à 12h41 Par Le Nouvel Observateur
INTERVIEW. René Ricol invite les membres des obédiences à faire leur "coming out". Un avis partagé par Alain Bauer, Jean-Paul Delevoye et Jean-Michel Quillardet, qui témoignent."Le secret permet toutes les manipulations". René Ricol invite les membres des obédiences à faire leur "coming out". BERTRAND GUAY / AFP Mots-clés : franc maçonnerie , francs-maçons , rené ricol , alain bauer , jean-paul delevoye , jean-michel quillardet
Vous appelez les maçons français à la transparence. Pourquoi ?- La question qui se pose est assez simple. La maçonnerie cultive le secret, ce qui ouvre la porte à toutes les manipulations et à toutes les désinformations. Quand quelque chose de bizarre, de louche, d'incompréhensible se passe dans ce pays, on dit : "Ce sont les francs-macs." Et personne ne peut vérifier puisque le secret est la règle. Cela crée un écran de fumée qui cache peut-être des malversations plus graves, voire un réseau mafieux dans lequel les francs-maçons ne sont pas en cause. Il y a aussi des gens dont on dit qu'ils sont maçons sans qu'ils le soient. Je sais ce que c'est, cela m'est arrivé ! Que préconisez-vous donc ?- La France a deux voies possibles et complémentaires. La première s'appelle l'autorégulation. C'est une transparence à l'américaine : les maçons disent eux-mêmes qu'ils appartiennent à telle ou telle loge. L'autre voie, plus large, prendrait la forme d'une loi imposant à toute personne qui occupe une fonction publique de se déporter sur quelqu'un d'autre lorsqu'elle est en conflit d'intérêts ou lorsqu'une situation risque de limiter son indépendance, ou même l'apparence d'indépendance. Certains pays - l'Italie et le Royaume-Uni - se sont déjà occupés de ce problème. En Angleterre, il a été demandé aux magistrats et aux fonctionnaires de police de déclarer leur appartenance à la maçonnerie. En Italie, être magistrat et franc-maçon a été jugé incompatible. La Cour européenne des Droits de l'Homme a toutefois fixé des limites en remettant en question, en 2007, une loi adoptée par une région italienne qui imposait à chaque candidat à un poste public de déclarer son appartenance à la maçonnerie. Cela a été jugé discriminatoire. Il faut donc tenir compte de cette jurisprudence. Nombre de maçons tiennent toutefois beaucoup à ce secret, qui peut paraître archaïque.- C'est historique. Il est vrai qu'il y a eu des épisodes dans le passé où les francs-maçons ont été menacés. Avant la Seconde Guerre mondiale, il y avait des attaques violentes à leur encontre. Ils ont été poursuivis par le régime de Vichy. Cela légitime toujours aux yeux de certains le maintien de la confidentialité. Mais est-ce un bon argument ? Les temps ont changé. Je remarque enfin que ceux qui sont transparents sont gagnants. Prenons un exemple à gauche, Gérard Collomb [maire de Lyon, ndlr], ou un autre à droite, Xavier Bertrand [ministre du Travail, ndlr]. Le fait que l'on connaisse leur appartenance à la maçonnerie ne leur a pas nui. Au contraire. Pourquoi lancer cet appel maintenant ? De toute évidence, cette tradition de secret de la maçonnerie française vous dérange depuis longtemps...- L'élément déclencheur pour moi a été un article du "Point" qui me prêtait un rôle qui n'était pas le mien dans l'affaire Veolia [tentative de renversement de l'actuel PDG, Antoine Frérot, pour le remplacer par Jean-Louis Borloo, ndlr] sous prétexte que j'étais franc-maçon, ce que je ne suis évidemment pas. Cela m'a profondément choqué. Tout d'abord, si j'étais franc-maçon, je le dirais. Ensuite, en raison du secret lié à l'appartenance maçonnique, des manipulations d'informations sont faciles, et ce genre d'affirmation peut jeter le doute sur les conditions dans lesquelles j'exerce aujourd'hui mes missions d'intérêt général, ou dans lesquelles j'exercerai à nouveau mon métier d'expert-comptable demain quand je serai de retour à mon cabinet. Et, comme il faut toujours s'appliquer à soi-même les règles de transparence, aujourd'hui j'affiche plus ouvertement mon engagement chrétien. Propos recueillis par Nathalie Bensahel et Sophie Fay - Le Nouvel Observateur Alain Bauer : "Le temps est venu d'assumer son appartenance" "René Ricol pose la question naturelle des appartenances. Dans un pays où on ne diffuse pas les listes d'adhérents des partis démocratiques ou des syndicats, l'appartenance à la franc-maçonnerie suscite autant de fantasmes que de marronniers médiatiques. Je pense depuis longtemps que le temps est largement venu d'assumer la fierté de son appartenance et d'affirmer sa fraternité. J'ai eu le plaisir de soutenir Gérard Collomb et Xavier Bertrand dans leur démarche de transparence. Je souhaite que beaucoup d'autres les rejoignent volontairement parce qu'elles ou ils auront été convaincus que cela fait aussi partie de la démarche maçonnique." Jean-Paul Delevoye : "Il est important de savoir d'où chacun parle" "Je ne peux que souscrire à l'appel de René Ricol, car, comme lui, je n'appartiens à aucune obédience, et pourtant on me dit souvent franc-maçon ! J'ai toujours été partisan de la transparence, mais pas par la contrainte. Sur les confits d'intérêts ou les risques de confit d'intérêts, elle est plus nécessaire que jamais. Je constate que les décisions, les lois portent sur des sujets de plus en plus complexes et doivent donc être prises collectivement. Il est donc important de savoir d'où chacun parle et quelles sont ses influences. Cela ne concerne pas seulement les maçons." Jean-Michel Quillardet : "C'est une fierté d'être franc-maçon" "Je suis d'accord sur le principe selon lequel les francs-maçons ne devraient pas cacher leur appartenance à telle ou telle obédience. C'est une fierté d'être franc-maçon. Il est même dommage que des personnalités publiques très estimables ne le disent pas car cela permettrait de montrer la richesse et la diversité de la franc-maçonnerie. Notre seul rôle est de tenter de faire partager des valeurs telles que l'humanisme ou la laïcité comme tant d'autres associations non maçonniques. Donc oui à la transparence ! En revanche une quelconque loi obligeant un franc-maçon à se déclarer publiquement serait contraire à tous les principes constitutionnels et républicains. On ne peut pas faire un fichage des citoyens en fonction de leurs idées et croyances." |