31B
N° RG : 13/04384
Minute n° 2016/00.2~S
AFFAIRE:
S.A.R.L. DEMA,
Stéphane PILLON
CI
S.CP. DUCOURAU, DURON,
LABACHE, LANDAIS,
MOREAU-LESPINAR,
SELARL MALMEZAT -PRAT,
Patrice GUYOT
Stéphane EPELDE
Grosses délivrées
à
Avocats:
Me Max BARDET
la SCP CABINET LEXIA
Me Arnaud LAT AILLADE
la SCP LAYDEKER-
SAMMARCELLI
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE
DE BORDEAUX
5ème CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 24 MARS 2016
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :
Monsieur Pierre GUILLOUT, Vice-Président
Madame Caroline FAURE, Vice-Président
Monsieur Pierre FREZET, Vice-Président
Greffier (faisant fonction de), lors des débats et du prononcé
Madame Céline SAINT MARTIN
DÉBATS:
A l' audience publique du 17 Décembre 2015
Délibéré au 18 Février 2016, prorogé au 24 Mars 2016
Sur rapport de M, GUILLOUT conformément aux dispositions de
l'article 785 du code de procédure civile
JUGEMENT:
Contradictoire
Premier ressort
Prononcé publiquement par mise à disposition du jugement au greffe,
les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions
prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile
DEMANDEURS:
S.A.R.L. DEMA
12 rue Pierre Dignac
33260 LA TESTE DE BUCH
représentée par Me Max BARDET, avocat au barreau de
BORDEAUX
Monsieur Stéphane PILLON
né le 12 Juillet 1971 à GENNEVILLIERS (92230)
4 rue Crozilhac
33000 BORDEAUX
représenté par Me Max BARDET, avocat au barreau de
BORDEAUX
DÉFENDEURS :
La S.C.P. Frédéric DUCOURAU, Jérôme DURON, Philippe
LABACHE, Pierre LANDAIS et Alexandre
MOREAU-LES PINARD
169 boulevard de la Plage
33120 ARCACHON
représentée par Maître Xavier LA YDEKER de la SCP LA YDEKER
- SAMMARCELLI, avocats au barreau de BORDEAUX
SELARL MALMEZAT-PRAT, en qualité de liquidateur
judiciaire de la SARL POISSONNERIE DU MOULLEAU
123 avenue Thiers
33100 BORDEAUX BASTIDE
représentée par Maître Vincent DORLANNE de la SCP CABINET
LEXIA
Monsieur Patrice GUYOT
né le 02 Mars 1957 à BOULOGNE-BILLANCOURT (92513)
de nationalité Française
69 route des lacs
33470 GUJAN-MESTRAS
représenté par Me Arnaud LAT AILLADE, avocat au barreau de
LIBOURNE
INTERVENANT VOLONTAIRE :
Monsieur Stéphane EPELDE
représenté par Me Arnaud LATAILLADE, avocat au barreau de
LIBOURNE
******
Par acte authentique du 31 décembre 2012, la société Dema, qui exerce l'activité de marchand
de biens, a acquis un immeuble au prix de 500 000 euros situé à Arcachon, appartenant à la SCI
Lyautey gérée par M. Guyot, également cogérant de la société Poissonnerie du Moulleau,
exploitant son commerce dans le même immeuble séparé en deux lots, une maison
d'habitation et un local commercial devant faire l'objet de travaux pour la revente d'un
premier lot à usage d'habitation et d'un second lot à usage commercial, avant la saison de l'été
2013.
La société Poissonnerie du Moulleau a été placée en redressement judiciaire par jugement du
tribunal de commerce de Bordeaux du 29 février 2012, avec désignation d'un administrateur,
suivi du prononcé d'une liquidationjudiciaîre le 20 février 2013 et désignation de la selarl
Malmezat-Prat en qualité de liquidateur, à défaut d'avoir pu réaliser la cession du fonds de
commerce envisagée.
Par acte du 23 avril 2013, la société Dema et M. Pillon, son gérant, ont assigné la SCP de
notaires, Frédéric Ducourau, notaire rédacteur de l'acte authentique de vente du 31 décembre
2012, Jérôme Duron, Philippe Labache, Pierre Landais et Alexandre Moreau-Lespinard, à
l'effet de les condamner, au visa des articles 1382 et suivants du Code civil, à leur payer
principalement une somme de 175 000 euros au titre de la perte consécutive à l'échec de la vente
du local commercial et celle de 465 000 euros au titre du prêt bancaire consenti à la société Dema,
avec engagement de caution de son gérant, pour la réalisation de l'opération immobilière, et
dont la déchéance du terme a été prononcée.
Les demandeurs reprochent au notaire instrumentaire de ne pas avoir vérifié que le
commerçant en place dans la partie commerciale faisait l'objet d'une procédure collective,
avec désignation d'un administrateur, lequel a refusé un arrangement amiable, alors que le
titulaire du bail commercial pour exploiter la poissonnerie est aujourd'hui en liquidation
judiciaire sans avoir payé de loyers en raison des travaux non terminés.
Par ordonnance du 13 août 2013, le juge de la mise en état a rejeté la demande de provision
formée par la société Dema au motif de l'existence d'une contestation sérieuse.
Par une seconde ordonnance du 16 décembre 2014, le juge de la mise en état a ordonné la
jonction avec la présente instance d'une affaire inscrite au répertoire général de l'année 2014
après que le tribunal de commerce de Bordeaux, saisi par assignation du 21 mai 2013, eut
rendu unjugement le 17 mars 2014 faisant droit à l'exception de connexité soulevée, dans une
affaire opposant les deux mêmes demandeurs à la selarl Malmezat-Prat en qualité de
liquidateur de la société Poissonnerie du Moulleau, et à M. Guyot.
En raison du jugement du tribunal de commerce de Bordeaux précité faisant droit à
l'exception de connexité, l'instance dont est saisie le tribunal de grande instance, suite à
l'assignation du 23 avril 2013, oppose la société Dema et M. Pillon à la société de notaires,
selon l'instance principale, ainsi qu'à la selarl Malmezat-Prat, en qualité de liquidateur de la
société Poissonnerie du Moulleau et à M. Guyot outre M. Epelde, intervenant volontaire à
cette instance.
1- Par leurs dernières conclusions communes déposées le 1 er septembre 20 15, la société Dema
et M. Pillon, au visa des articles 1382 et 1134 du code civil, demandent au tribunal de
condamner in solidum la société notariale, la selarl Malmezat-Prat, ès qualités, et M. Guyot à leur payer, en raison des fautes conjuguées lors de la conclusion de l'avenant au bail
commercial régularisé le 31 décembre 2012 à défaut d'avoir révélé que la société exploitant
une poissonnerie était en redressement judiciaire depuis le mois de février 2012, les sommes
suivantes:
- 283 100 euros à la société Dema correspondant à la réparation de la perte d'une chance d'obtenir
95 du bénéfice espéré au titre de la plus-value sur la maison d'habitation, soit la somme de
298000 ,
- 5130,23 euros à la société Dema correspondant au remboursement des travaux effectués dans les
locaux commerciaux,
- 28 886,81 à la société Dema correspondant au remboursement des travaux effectués dans
la maison d'habitation,
- 2892,46 euros en remboursement des intérêts payés sur le prêt,
- 100 000 euros à la société Dema pour atteinte à sa notoriété,
- 150 000 euros à M. Pillon pour atteinte à sa notoriété,
- 50 000 euros à M. Pillon à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
Ils font valoir que le préjudice subi consiste en la perte de chance de finaliser l'opération
prévue étant retiré le bénéfice escompté, la société Dema ayant revendu l'immeuble pour une
somme de 520 000 euros alors qu'elle avait la quasi -certitude de vendre le local commercial pour
la somme de 175 000 euros et avait les plus grandes chances de retirer un bénéfice avoisinant les
298000 euros au titre de la plus-value sur la maison d'habitation.
À titre subsidiaire, ils demandent la condamnation des mêmes parties à payer les mêmes
sommes en réparation de la perte d'une chance de monter un autre projet et d'en retirer des
bénéfices pour un montant de 298 000 euros .
Dans tous les cas, ils demandent le prononcé de l'exécution provisoire et la condamnation in
solidum des défendeurs à payer une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de
procédure civile.
2 - En réponse, par ses dernières écritures déposées le 26 août 2015, la société notariale
conclut au débouté de l'ensemble des demandes dirigées contre elle, à défaut de rapporter la
preuve d'un préjudice et d'un lien de causalité, avec condamnation de toute partie
succombante à lui payer une somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure
civile et application de l'article 699 du même code.
3- Par ses dernières écritures notifiées le 1 er septembre 2015, la selarl Malmezat-Prat, ès
qualités, au visa de l'article 1382 du Code civil et des articles L622-7, L631-12 et L631-14 du
Code de commerce, conclut au débouté des prétentions dirigées à son encontre, à défaut de
rapporter la preuve d'une faute de nature à causer un préjudice à la société Dema et à
M. Pillon, avec condamnation in solidum des demandeurs à payer une somme de 12 000 euros au
titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre le prononcé de l'exécution provisoire.
Elle soutient que M. Guyot, la société notariale et la société Dema ont chacun commis une
faute engageant leur responsabilité en concourant à un acte ayant irrémédiablement compromis
la situation de la société Poissonnerie du Moulleau, laquelle y est intervenue, représentée par
une personne physique dépourvue de toute autorisation judiciaire et par l'administrateur
judiciaire (Me Cera), de sorte que sans cet acte les organes de la procédure auraient encaissé
un prix de reprise de 150000 euros d'où la condamnation in solidum les trois parties précitées,
M. Guyot, la société notariale et la société Dema, à payer au mandataire liquidateur la somme
de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts.
4- Par leurs dernières écritures communes déposées le 28 août2015, M. Guyot et M. Epelde,
intervenant volontairement, concluent au débouté de la demande et, à titre reconventionnel,
demandent la condamnation solidaire de la société notariale et de la société Dema à leur payer
une somme de 102 000 euros à titre de dommages-intérêts, outre une somme de 10 000 euros au titre
de l'article 700 du code de procédure civile, avec le prononcé de l'exécution provisoire, en
soutenant que la société notariale a commis une faute engageant sa responsabilité pour avoir
conseillé à M. Guyot tend à titre personnel qu'en sa qualité de gérant de la société Poissonnerie
du Moulleau, en préparant et en réalisant un acte qu'il ne pouvait signer au motif qu'il était
dépourvu de toute autorisation judiciaire et l'absence de l'administrateur judiciaire pour
l'assister, le notaire instrumentaire n'ayant pas vérifié les mentions du K bis outre la faute de
la société Dema qui n'a pas exécuté ses obligations.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2015, à la suite d'un avis de clôture
adressé aux parties le 13 avril 2015.
MOTIFS
Il résulte des productions qu'en septembre 2011, la société Poissonnerie du Moulleau, cogérée
par M. Guyot, avait le projet de vendre pour la somme de 305000 euros son fonds de commerce
exercé dans des locaux situés dans un immeuble, 164 boulevard de la Côte d'Argent et 3 rue
avenue Maréchal Lyautey à Arcachon, appartenant à la SCI Lyautey, elle-même gérée par M.
Guyot, qui lui avait consenti un bail commercial par acte notarié du 10 juin 2010, mais non
suivi d'effet, ainsi que le projet par le même candidat acquéreur de racheter l'ensemble de
l'immeuble, au motif que le candidat cessionnaire n'a pas obtenu le financement nécessaire,
de sorte que le projet n'a pu être menées à bien ; par ailleurs, la société Poissonnerie du
Moulleau a déposé une déclaration de cession des paiements au 22 février 2012 en raison de
dettes accumulées et de l'absence de fonds propres pour assurer l'exploitation, cette société
ayant fermé son fonds de commerce à compter d'octobre 2011, dans l'attente de la cession du
fonds de commerce.
La société Poissonnerie du Moulleau a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire
prononcé le 29 février 2012 par le tribunal de commerce de Bordeaux avec désignation de la
selarl Malmezat-Prat en qualité de mandataire judiciaire, jugement d'ouverture publiée au
BODACC le 16 mars 12, suivi d'un jugement du 28 novembre 2012 de désignation d'un
administrateur judiciaire, Me Cera, avec mission d'assistance à l'effet de mener à bien la
cession du fonds de commerce dans la perspective de redressement de la société en raison de
pourparlers engagés avec M. Hosten pour une offre de reprise de 150 000 euros, et l'administrateur
a été informé par M. Pillon, gérant de la société Dema, que cette dernière, exerçant la
profession de marchand de biens, venait d'acheter l'immeuble le 31 décembre 2012 à la SCI
Lyautey.
Par jugement du20 février 2013, de commerce de Bordeaux prononce la liquidation judiciaire
de la société Poissonnerie du Moulleau, l'administrateur dans son rapport du 10 février 2013
adressé au tribunal ayant fait valoir qu'il avait appris que M. Billon et M. Guyot avait modifié
le bail commercial par acte notarié du 31 décembre 2012, sans l'accord des organes de la
procédure collective, avec pour conséquence une réduction importante de la surface
commerciale et le déménagement d'une partie de l'installation des chambres froides,
modifications de nature à rendre inévitable la liquidation judiciaire.
Par ordonnance du 4 juin 2013, le juge commissaire du tribunal de commerce de Bordeaux,
saisi par la société Dema d'une demande de résiliation du bail commercial consenti à la société
Poissonnerie du Moulleau, a refusé de faire droit à la: requête, au motif que la société
requérante ne peut se prévaloir des dispositions des articles L641-12 et 622-14 du code de
commerce dès lors que les loyers de mars et avril 2013 n'étaient pas dus, après avoir énoncé
que l'administrateur judiciaire s'était opposé à la régularisation de l'avenant litigieux du
31 décembre 2012 et qu'il avait porté plainte auprès du procureur de la république en visant
les cogérants de la société locataire et la faute professionnelle du notaire, et que le liquidateur
a souhaité maintenir le bail en vigueur, en indiquant ne pas payer les loyers et ne pas
reconnaître la validité de l'avenant à défaut pour le propriétaire d'avoir remis les travaux de
remise en état du local ainsi qui s'y était engagé.
Par ordonnance du 7 avril 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de
Bordeaux, saisi d'une demande de résiliation par acquisition de la clause résolutoire formée
par la société Dema, nouveau bailleur depuis l'acquisition de l'immeuble le 31 décembre
2012, a constaté l'accord portant sur la résiliation du bail commercial intervenue avec le
liquidateur.
Il résulte également des pièces produites que la société Dema s'est porté acquéreur auprès de
la SCI Lyautey de l'ensemble de l'immeuble précité, pour le prix de 500 000 euros, dans
l'intention de le restructurer pour revendre un premier lot à usage d'habitation et le second à
usage commercial, l'acquisition ayant été financée en grande partie par un prêt bancaire
consenti à la société Dema dont M. Pillon se portait caution, avec une promesse d'achat du
5 septembre 2012 pour la partie destinée à l'usage commercial ou non de la société FD Immo.
C'est à l'occasion de la remise des clés par M. Guyot, cogérant de la société locataire, à M.
Pillon, gérant de la société Dema devenu propriétaire de l'immeuble par acte notarié du
31 décembre 2012 et par la même nouveau bailleur de la société Poissonnerie du Moulleau,
il a pris connaissance que son locataire faisait l'objet d'une procédure de redressement
judiciaire avec nomination d'un administrateur judiciaire, outre la fermeture du local qui pour
les raisons précitées, un manque de trésorerie, n'était plus alimenté en électricité.
La selarl Malmezat- Prat fait valoir qu'à défaut pour M. Guyot et le notaire rédacteur de l'acte,
conseil commun de la SCI Lyautey, de la société Dema et de la société Poissonnerie du
Moulleau, d'avoir informé les parties à l'acte notarié valant modification du bail commercial
du 31 décembre 2012 dans les conditions rappelées ci-dessus, cet avenant était entaché de
nullité, en raison de l'absence d'autorisation du juge commissaire et de la participation du
mandataire judiciaire ou de l'administrateur.
Ce mandataire liquidateur, ès qualités, au soutien de sa demande reconventionnelle de
condamnation des trois parties à payer in solidum une somme de 150 000 euros en réparation du
préjudice causé par la signature de l'avenant litigieux du 31 décembre 2012 à l'origine de la
perte de la cession envisagée du fonds de commerce à la somme précitée, fait valoir que M.
Guyot a commis une faute en étant présent à l'acte notarié précité et en ayant gardé le silence
sur l'existence de la procédure collective de la société de la société dont il était cogérant, outre
la faute du notaire rédacteur de l'acte, par ailleurs conseil commun de la SCI et de la société
Dema, qui se devait de vérifier l'existence ou non d'une procédure collective afin d'assurer
la sécurité de l'acte, ainsi que la faute de la société Dema qui en sa qualité de marchands de
biens et de professionnel averti était nécessairement au courant de l'existence de ladite
procédure collective.
La société de notaires, pour conclure au débouté de l'ensemble des prétentions formées à son
encontre, en soutenant que l'absence de l'opposabilité de l'avenant au bail est sans lien avec
le présent litige dès lors que soit l'avenant était opposable aux organes de la procédure et dans
ce cas il appartenait à la société Dema de réaliser les travaux mis contractuellement à sa charge
soit il était inopposable aux mêmes organes et il convenait de s'en tenir au bail initial à charge
pour la société Dema de solliciter la résiliation du bail si des loyers n'étaient pas réglés, de
sorte que le préjudice invoqué est sans lien de causalité avec une faute éventuelle de faire, la
société Demaen s'abstenant d'exécuter l'une ou l'autre des options cette elle-même placée en
situation de blocage.
De même, elle fait valoir que la question de l'inopposable de l'avenant aux organes de la
procédure est sans conséquences sur les droits acquis par la société Dema qui est propriétaire
de l'immeuble depuis l'acte authentique d'acquisition du 21 décembre 2012, dont la validité
n'est pas remise en cause par l'avenant litigieux, ce dernier n'étant pas une condition sine qua
non de son engagement, alors même que la modification de l'assiette du bail n'a jamais été
mentionnée à l'acte de vente comme un élément déterminant du consentement de la société.
En outre, cette société soutient que la preuve d'un préjudice n'est pas rapportée par la société
Dema et M. Pillon dès lors que s'agissant d'une perte de chance ils leur appartient de
démontrer qu'il disposait d'une chance sérieuse d'obtenir la réalisation de la transaction avec
la société FD immo, notamment la partie de l'immeuble affecté à l'usage commercial loué à
la société poissonnerie du Moulleau, soutenant également qu'aucune raison légitime ne justifie
que la société de notaires rembourse le prêt bancaire encourant la déchéance du terme lui-
même une prétendue perte de chances de tenir une plus-value sur la revente de la partie maison
habitation, y compris l'absence d'éléments de preuve sur les autres chefs de demande.
S'agissant de la demande formée par le liquidateur, ès qualités, à son encontre, la société de
notaires soutien que ce mandataire ne démontre pas que le repreneur potentiel disposait du financement bancaire porté acquéreur du fonds alors que son offre mentionne qu'il aura
recours à l'emprunt outre l'absence de preuve que le fonds aurait été vendu à une autre
personne, de sorte que la preuve d'une chance réelle de vendre le fonds de commerce pour une
somme de 150 000 n'est pas rapportée, outre que ce liquidateur qui a touj ours considéré que
l'avenant était inopposable aux organes de la procédure et mal fondée à soutenir que la
signature de l'avenant constituait un obstacle à la cession du fonds.
Enfin, concernant les demandes formées par M. Guyot et M. Epelde, elle prétend que la
somme réclamée à titre de dommages-intérêts en raison d'un préjudice subi consécutif à
l'engagement de caution du prêt souscrit par la société 26 était cogérant n'est pas fondée, alors
qu'ils étaient les mieux placés pour connaître la situation de cette société à l'occasion de la
signature de l'avenant.
M. Guyot prétend qu'il a tenu au courant M. Pillon de la situation de la société poissonnerie
du Moulleau et de la procédure collective de cette dernière, il fait valoir que la cession
envisagée au profit de M. Hostens, à l'origine du renouvellement de la période d'observation,
n'a pu aboutir dans la mesure où la modification procédant de l'avenant n'a pas permis
mandataire procéder à la cession.
S'agissant des demandes principales de la société Dema et de M. Pillon dirigées contre eux,
ils font valoir qu'en leur qualité de professionnels qui ne pouvaient ignorer la situation de la
société Poissonnerie du Moulleau, alors que la société notariale était le notaire commun de la
SCI Lyautey, de la société Poissonnerie du Moulleau et aussi de la société Dema, de sorte
qu'ils prétendent ils que le notaire a manqué à son devoir de conseil, outre la faute de la
société Dema de ne pas avoir réalisé des travaux mis contractuellement à sa charge et qu'elle
s'était engagée exécuter dans le cadre de l'avenant.
L'acte notarié du 31 décembre 2012, valant en donnant au bail commercial du 10 juin 2010,
porte mention de la présence de M. Guyot comme gérant de la société Poissonnerie du
Moulleau et stipule que le bailleur, la société Dema, devenu propriétaire de l'immeuble par
un acte du même jour, s'engage irrévocablement à effectuer à ses frais exclusifs des travaux
de déplacement et de remise en état du local à usage de réserve, et à la garantie de la réalisation
de ces travaux, le preneur sera dispensé du versement de loyer jusqu'à l'expiration
complètement complète des travaux, le bailleur s'engageant également à faire établir un état
descriptif de division modificatif à ses frais pour tenir compte de la nouvelle désignation des
locaux loués.
Sont également produits aux débats, le compromis de vente de l'immeuble signé entre la SCI
Lyautey et M. Pillon le 5 septembre 2012 ainsi que l'acte authentique du 31 décembre 2012
signé entre la SCI Lyautey et la société Dema concernant l'ensemble immobilier situé à
Arcachon, composé d'une partie habitation et d'une partie commerciale, sans mention de
l'avenant litigieux.
Il ressort de l'ensemble des moyens de fait et le droit rappelés ci-dessus, ainsi que de la
chronologie des événements, que l'acte litigieux du 31 décembre 2012, valant avenant notarié
au bail commercial 10 juin 2010 consenti à la société Poissonnerie du Moulleau a été rédigé
sans information préalable du mandataire de justice désignée le 29 février 2012 ou de
l'administrateur judiciaire désigné le 28 novembre 2012, en raison d'une perspective d'une
cession du fonds de commerce, de sorte que la rédaction de cet acte, concomitante à l'acte de
vente de l'immeuble, composé d'une partie habitation et d'une partie à usage commercial,
dans laquelle était exercée le fonds de commerce de poissonnerie, était devenu inévitablement
inopposable aux organes de la procédure, ces derniers n'ayant pas souhaité régulariser
l'avenant qui avait pour effet de diminuer notablement la surface commerciale de nature à faireéchouer la cession du fonds de commerce envisager en période d'observation de la procédure
collective du preneur.
Il est établi que l'ouverture du redressement judiciaire de la société Poissonnerie du Moulleau
a été publié dans un jour d'annonces légales le 16 mars 2012, de sorte que le notaire rédacteur
de l'avenant, par ailleurs rédacteur de l'acte de vente de 1'ensemble immobilier, se devait de
vérifier l'absence d'une procédure collective de la société précitée, voire du bailleur, à l'effet
de donner une pleine sécurité à l'acte et non de le rendre inopposable pour défaut
d'information des organes de la procédure, de sorte que ce notaire instrumentaire, en sa qualité
de professionnel, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité alors qu'une simple
consultation du Bodacc lui aurait permis d'être informé de l'existence de procédures
collectives, quand bien même il aurait reçu, par omission, une information erronée de la part
du gérant de la Poissonnerie du Moulleau qui n'aurait pas informé de 1'existence de cette
procédure collective concernant la société dont il assurait la cogérance.
S'agissant du préjudice causé par cette faute professionnelle, seule la société Dema peut en
demander réparation pour perte de chances de réaliser l'opération immobilière envisagée, et
non son gérant M.Pillon qui, outre un défaut de qualité, ne rapporte la preuve de copains
finissent aucun lien de causalité avec la faute imputable au notaire rédacteur.
Le préjudice résultant de cette même faute sera être évalué à la somme de 100 000 euros s'agissant
d'une perte de chance de réaliser une opération immobilière, envisagée par un professionnel
marchand de biens, qui reste par ailleurs propriétaire de l'immeuble acheté, de sorte que le
préjudice causé par la faute précitée ne peut réparer le remboursement du prêt et les autres
chefs de préjudice invoqués par la société Dema.
Le mandataire liquidateur, dont il est demandé la condamnation in solidum avec la société de
notaire et M.Guyot, n'a commis aucune faute dans l'exercice de sa mission de sorte que le
demandeur seront déboutés de leurs demandes dirigées à son encontre.
Il en sera de même des demandes dirigées contre M. Guyot, intervenue à l'avenant comme
représentant de la société Poissonnerie du Moulleau, dès lors que n'étant pas personnellement
concerné par l'avenant, et en sa qualité de non professionnel, en présence de notaire rédacteur
d'un acte, il ne peut lui être imputé une faute par omission à défaut d'avoir informé ledit
notaire de l'existence d'une procédure collective.
C'est également à bon droit que le liquidateur, ès qualités, invoque la faute professionnelle du
notaire à l'origine de la non réalisation de la cession du fonds de commerce envisagé, de sorte
qu'il y ait lieu de condamner la société notariale à lui payer à titre de dommages-intérêts pour
perte de chance de réaliser l'opération effectuée, une somme de 20 000 euros.
En revanche, ce même liquidateur, ès qualités, sera débouté de sa demande dirigée contre la
société Dema et M. Guyot à défaut de rapporter la preuve d'une faute à l'origine du préjudice,
la preuve que la société Dema était informé de l'existence de procédures collectives n'est pas
rapportée par des éléments suffisamment objectifs et M. Guyot est intervenu en sa qualité de
représentant de la société Poissonnerie du Moulleau.
De même, Messieurs Guyot et Epelde, cogérants et associés de la société Poissonnerie du
Moulleau, seront déboutés de leurs demandes reconventionnelles de condamnation solidaire
de la société notariale de la société de demain à leur payer une somme de 102 000 euros à titre de
dommages- intérêts, à défaut de rapporter la preuve d'un préjudice personnel subi à l'occasion
de la rédaction de l'avenant notarié litigieux, outre l'absence de travaux réalisés par le nouveau
bailleur, devenu propriétaire des lieux par acte notarié du jour, alors même que M.Guyot et
rester silencieux devant le notaire sur l'existence d'une procédure collective de la société dont
il assumait la cogérance.
La société notariale sera condamnée à payer une somme de 3 000 euros à la société Dema et une
somme de 15 00 euros au liquidateur, ès qualités, le tout en application de l'article 700 du code de
procédure civile.
Chacune des autres parties conservera sachant être engagée non compris dans les dépens.
L'exécution provisoire n'étant pas de droit, il n'y a pas lieu de l'ordonner.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, par miseà disposition au greffe :
CONDAMNE la SCP Ducourau- Duron - Labache - Landais - Moreau -Lespinard à payer:
- à la société Dema une somme de 100 000 euros (cent mille euros) avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- à la selarl Malmezat-Prat, en qualité de liquidateur de la société Poissonnerie du Moulleau,
une somme de 20 000 euros (vingt mille euros), avec intérêts au taux légal à compter du
jugement,
DÉBOUTE M. Pillon de sa demande et la société Dema du surplus des chefs de sa demande, DÉBOUTE la selarl Malmezat-Prat, en qualité de liquidateur judiciaire de la société
Poissonnerie du Moulleau, de sa demande à l'encontre de M. Guyot et de la société Dema,
DÉBOUTE M.Guyot et M. Epelde de leur demande,
CONDAMNE la société notariale précitée à payer à la société Dema une somme de
3 000 euros (trois mille euros) et une sommes de 1500 euros (mille cinq cents euros) à la
selarl Malmezat-Prat, ès qualités, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que les autres parties conservent à leur charge les frais engagés non compris dans les
dépens,
CONDAMNE la société notariale précitée à payer les dépens,
DIT n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.
Le présent jugement a été signé par Monsieur GUILLOUT, Vice-Président, et par
Madame SAINT MARTIN, faisant fonction de Greffier.
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