COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 11 JUIN 2019
(Rédacteur : Michèle ESARTE, président,)
N° RG 17/03787 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-J4W3
Alain DURON
SCP DUCOURAU DURON LABACHE LANDAIS MOREAU-LESPINARD
c/
Alexandre GODALIER Alain BODAR
Catherine DE TONNAC DE VILLENEUVE épouse BODAR
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le : aux avocats
Décision déférée à la cour
: jugement rendu le 23 mai 2017 par le Tribunal de Grande Instance
de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 12/10460) suivant déclaration
d'appel du 23 juin 2017
APPELANTS :
Maître Alain DURON
né le 26 Octobre 1944 à BORDEAUX (33) de nationalité
Française,
demeurant 6 Allée des Cormorans - 33120 ARCACHON
SCP DUCOURAU DURON LABACHE LANDAIS MOREAU-LESPINARD,
Notaires Associés, agissant en la personne de son représentant
légal domicilié en cette qualité au siège
social sis 169 boulevard de la Plage - 33120 ARCACHON
représentés par Maître Xavier LAYDEKER de
la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
Alexandre GODALIER
né le 14 Mai 1983 à AMIENS (80)
de nationalité Française
demeurant 37 allée du Fin - 33470 GUJAN MESTRAS
représenté par Maître Marie-Claude MONTAUT,
avocat au barreau de BORDEAUX
Alain BODAR
né le 14 Février 1940 à DEMANGE-AUX-EAUX
de nationalité Française
demeurant Le Saint Arnaud-Pereire 11-13 avenue Saint Arnaud -
33120 ARCACHON
Catherine DE TONNAC DE VILLENEUVE épouse BODAR
née le 01 Avril 1955 à CASABLANCA (MAROC)
de nationalité Française
demeurant Le Saint Arnaud-Pereire 11-13 avenue Saint Arnaud -
33120 ARCACHON
représentés par Maître Laure GALY de la SELARL
GALY & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 avril 2019
en audience publique, devant la cour composée de :
Michèle ESARTE, président, Jean-Pierre FRANCO,
conseiller, Catherine BRISSET, conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Véronique SAIGE
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition
de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues
à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure
civile.
* * *
FAITS CONSTANTS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Suivant acte authentique du 17 juin 2002, reçu par Maître
Alain Duron, notaire à Arcachon, Alain Bodar et Catherine
de Tonnac de Villeneuve épouse Bodar ( les époux
Bodar) ont acquis les lots 27, 35 et 70 constituant pour le premier
un cellier, pour le deuxième un box et pour le troisième
un appartement dans un ensemble immobilier dénommé
Résidence Aigue Marine soumis au statut de la copropriété,
sis 418 boulevard de la plage à Arcachon, moyennant le
prix de 162.358,20 € s'appliquant pour 4.573,47 € aux
meubles et objets mobiliers et pour 157.784,73 € aux biens
immobiliers.
Cette vente a été consentie par André Godalier
usufruitier et Alexandre Godalier nu-propriétaire, cela
aux termes d'une donation consentie par André Godalier
à son fils Alexandre, également reçue par
Me Alain Duron, le 27 février 1997.
Les époux Bodar ont pris possession de l'immeuble mais
se sont vus délivrer sept ans plus tard, le 22 juin 2009,
une assignation devant le tribunal de grande instance d'Amiens
à la requête de la SELAS Soinne intervenant comme
liquidateur judiciaire d'André Godalier et demandant, sur
le fondement de l'article L.641-9 du code de commerce, que soient
déclarés inopposables à la procédure
collective en cours, les actes de disposition opérés
par André Godalier au mépris des jugements de redressement
et de liquidation judiciaire qui avaient été rendus
à son encontre les 7 novembre 1995 et 5 mars 1996.
Les époux Bodar ont ainsi découvert qu'André
Godalier faisait l'objet d'une procédure de redressement
judiciaire ouverte à la requête de l'URSSAF de la
Somme par le tribunal de grande instance d'Abbeville le 7 novembre
1995, convertie en liquidation judiciaire par cette même
juridiction le 5 mars 1996.
Les époux Bodar ont alors saisi le tribunal de grande
instance de Bordeaux en la forme des référés
par exploits des 22, 27 et 28 septembre 2011 afin de faire désigner
un expert pour procéder à l'évaluation du
bien immobilier par eux acquis le 17 juin 2002.
Par ordonnance du 12 décembre 2011, le tribunal de grande
instance de Bordeaux a désigné M. Letourneau en
qualité d'expert lequel a déposé son rapport
et évalué les droits et bien immobiliers des époux
Bodar à la somme de 430.000 €.
André Godalier est décédé le 29 mai
2010 en laissant pour lui succéder son fils Alexandre Godalier,
lequel a renoncé à sa succession selon attestation
dressée par le greffier en chef du tribunal de grande instance
de Bordeaux le 17 février 2011.
Par arrêt du 27 septembre 2012, la cour d'appel d'Amiens
a confirmé le jugement du tribunal de grande instance d'Amiens
du 24 août 2011, déclarant ainsi : "inopposable
à la procédure collective de M. André Godalier
les actes reçus par Me Duron, notaire, les 27 février
1997 et 17 juin 2002 et autorisant le SELARL Bernard et Nicolas
Soinne, ès qualités, à poursuivre sous les
formes prescrites en matière de saisie immobilière
aux enchères la vente des biens et droits immobiliers en
faisant l'objet".
La SELARL Soinne a poursuivi la vente des droits et biens immobiliers
des époux Bodar qui ont été adjugés
à la barre du tribunal de grande instance d'Amiens pour
un montant de 288.000 € le 17 février 2015.
****
C'est dans ces conditions que le 14 novembre 2012, les époux
Bodar ont assigné Alexandre Godalier, Me Alain Duron et
la SCP Ducourau Duron Labache Pourquet Moreau-Lespinard devant
le tribunal de grande instance de Bordeaux (ci-après la
SCP de notaires) afin de voir engager leur responsabilité
sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil et obtenir
indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis
à raison de leur faute.
****
Par jugement du 23 mai 2017, le tribunal a :
- rejeté les demandes des époux Bodar à l'encontre
de M. Alexandre Godalier,
- dit que maître Duron, notaire membre de la SCP Ducourau
Duron Labache Pourquet Moreau-Lespinard, a commis une faute à
l'occasion de l'établissement de l`acte authentique de
vente du 17 juin 2002, en ne vérifiant pas les déclarations
de M. André Godalier quant à l'absence de procédure
de liquidation judiciaire dont il ferait l'objet,
- dit que cette faute a directement préjudicié aux
époux Bodar et que la responsabilité civile professionnelle
de maître Alain Duron est engagée sur le fondement
de l'article 1240 du code civil dans sa rédaction issue
de l'ordonnance n° 2016 l31 du 10 février 2016,
- condamné en conséquence solidairement maître
Alain Duron et la SCP Ducourau Duron Labache Pourquet Moreau-Lespinard
à payer aux époux Bodar les sommes suivantes :
* 430.000 € de dommages et intérêts en réparation
de leur préjudice financier,
* 10.000 € de dommages et intérêts à
titre d'indemnisation de leur préjudice moral,
- déclaré sans objet la demande de garantie formulée
par M. Alexandre Godalier à l'encontre de maître
Alain Duron et la SCP Ducourau Duron Labache Pourquet Moreau-
Lespinard,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné solidairement maître Alain Duron et la
SCP Ducourau Duron Labache Pourquet Moreau-Lespinard à
payer aux époux Bodar la somme de 4.000 € sur le fondement
de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de
l'article 700 du code de procédure civile au profit de
M. Alexandre Godalier,
- condamné solidairement maître Alain Duron et la
SCP Ducourau Duron Labache Pourquet Moreau-Lespinard aux dépens
de l'instance, avec droit de recouvrement direct au profit des
avocats de la cause en application de l'article 699 du code de
procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire partielle du présent
jugement à hauteur de la moitié des dommages et
intérêts alloués aux époux Bodar.
****
Maître Alain Duron et la SCP Ducourau Duron Labache Pourquet
Moreau- Lespinard devenue Ducourau Duron Labache Landais Moreau
Lespinard ont relevé appel total de ce jugement et par
dernières conclusions du 10 janvier 2018 demandent à
la cour de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu
par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 23 mai 2017,
Et statuant à nouveau, à titre principal :
- débouter les époux Bodar de l'ensemble de leurs
demandes, fins et prétentions,
- débouter M. Alexandre Godalier de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire :
- condamner M. Alexandre Godalier à relever indemne maître
Duron et la SCP Ducourau Duron Labache Landais Moreau-Lespinard
de l'ensemble des condamnations qui seraient mises à leur
charge au profit des époux Bodar,
En tout état de cause :
- en cas de condamnation de la SCP Ducourau Duron Labache Landais
Moreau- Lespinard au bénéfice des époux Bodar,
juger qu'elle sera subrogée de plein droit dans les droits
des époux Bodar à l'encontre de M. Alexandre Godalier,
à due concurrence des condamnations mises à sa charge
par l'arrêt à intervenir et sur la justification
du paiement effectué au profit des époux Bodar,
- condamner les époux Bodar et M. Alexandre Godalier à
payer à la SCP Ducourau Duron Labache Landais Moreau-Lespinard
et à maître Duron la somme de 3.500 € au titre
de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les époux Bodar et M. Alexandre Godalier au
paiement des entiers dépens.
****
Par conclusions transmises par RPVA le 10 novembre 2017, les
époux Bodar demandent à la cour de :
- déclarer maître Duron et la SCP Ducourau Duron
Labache Landais Moreau-Lespinard recevables mais mal fondés
en leur appel du jugement rendu par le tribunal de grande instance
de Bordeaux le 23 mai 2017,
- confirmer ledit jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité
de maître Duron du fait de la faute par lui commise lors
de l'établissement de l'acte authentique de vente du 17
juin 2002 pour ne pas avoir vérifié les déclarations
de M. André Godalier, quant à l'absence de procédure
de liquidation judiciaire dont il pouvait faire l'objet et ce
sur le fondement de l'article 1240 du code civil,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les appelants
à verser aux concluants la somme de 430.000 € à
titre de dommages et intérêts en réparation
de leur préjudice financier,
- déclarer les concluants recevables et fondés en
leur appel incident,
- condamner les appelants à réparer l'ensemble
des préjudices subis par les concluants consécutivement
à la faute commise par maître Duron laquelle leur
a fait perdre la chance de conserver la propriété
des droits et biens immobiliers par eux acquis en 2002 et en les
contraignant de devoir s'acquitter en pure perte des intérêts
et frais d'assurance de deux emprunts par eux contractés
auprès de la BPSO pour l'achat de ce bien outre les d'honoraires
de négociation de l'agence immobilière et des frais
notariés par eux acquittés en 2002 outre les frais
de déménagement et de garde-meuble,
- condamner en conséquence les appelants à verser
aux concluants au titre de ces frais financiers complémentaires
la somme de 31 386.83 € outre celle de 5.590,61 € au
titre des frais de déménagement et de garde-meuble
du 1er mai 2015 au 31 décembre 2017 outre celle de 190
€ par mois supplémentaire du 01 janvier 2018 jusqu'au
jour de l'arrêt à intervenir,
- condamner in solidum les appelants à verser aux concluants
la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts
en réparation de leur préjudice moral,
- condamner solidairement les appelants à verser aux concluants,
outre l'indemnité allouée par le Tribunal d'un montant
de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure
civile, celle de 5.000 € sur le même fondement du chef
des frais irrépétibles par eux exposés devant
la Cour,
- condamner solidairement les appelants aux entiers dépens
en ce compris ceux de première instance.
****
Par conclusions du 16 novembre 2017, Alexandre Godalier demande
à la cour de :
- juger la SCP Ducourau Duron Labache Landais Moreau-Lespinard
et maître Duron recevables, mais mal fondés en leur
appel du jugement rendu par le tribunal de grande instance de
Bordeaux, le 23 mai 2017,
- confirmer le jugement, en ce qu'il a retenu la responsabilité
exclusive maître Duron sur le fondement de l'article 1240
du code civil, du fait de la faute commise lors de l'établissement
de l'acte de vente du 17 juin 2002, en s'abstenant de vérifier
la véracité des déclarations de M. André
Godalier,
- confirmer la mise hors de cause de M. Alexandre Godalier,
- débouter la SCP Ducourau Duron Labache Landais Moreau-Lespinard
et maître Alain Duron, de toutes demandes fins ou conclusions
formulées à l'encontre de M. Alexandre Godalier,
A titre infiniment subsidiaire,
- si la cour validait l'appel en garantie de la SCP Ducourau Duron
Labache Landais Moreau-Lespinard et maître Alain Duron à
l'égard de M. Alexandre Godalier, juger que la responsabilité
financière d'Alexandre Godalier sera limitée au
montant du prix de vente initial de l'ensemble immobilier, à
savoir 162.358,20 €,
- déclarer recevable M. Alexandre Godalier dans son appel
incident,
- constater la responsabilité de la SCP Ducourau Duron
Labache Landais Moreau- Lespinard et Maître Alain Duron,
envers M. Alexandre Godalier, sur le fondement de l'article 1240
du code civil, au titre du manquement au devoir de conseil et
du fait de l'absence de vérification des déclarations
de M. André Godalier lors de la vente du 17/06/2002.
- condamner la SCP Ducourau Duron Labache Landais Moreau-Lespinard
et maître Alain Duron, au paiement d'une indemnité
de 10.000 € à titre de dommages et intérêts
sur le fondement de l'article 1240 du code civil,
- condamner la SCP Ducourau Duron Labache Landais Moreau-Lespinard
et maître Alain Duron à lui verser une indemnité
de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure
civile au titre des frais irrépétibles devant le
tribunal,
- condamner la SCP Ducourau Duron Labache Landais Moreau-Lespinard
et maître Alain Duron à lui verser une indemnité
de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure
civile au titre des frais irrépétibles devant la
cour d'appel,
- les condamner aux dépens de l'appel.
****
L'affaire a été fixée à l'audience
collégiale du 30 avril 2019. L'instruction a été
clôturée par ordonnance du 16 avril 2019.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure,
des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties,
il est expressément renvoyé au jugement déféré
et aux dernières conclusions écrites déposées
en application de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE :
sur le rejet des demandes d' Alain Bodar et de Catherine de Tonnac
de Villeneuve épouse Bodar à l'encontre d'Alexandre
Godalier:
La cour n'est saisie d'aucun moyen de réformation de ce
chef du jugement.
Sur la faute du notaire :
C'est à bon droit par des motifs que la cour fait siens
que le tribunal, pour examiner la faute du notaire, s'est replacé
à l'époque de la vente litigieuse soit le 17 juin
2002 c'est à dire avant l'informatisation du BODACC pour
rechercher s'il existait à cette date des éléments
de nature à entraîner une suspicion suffisante quant
à l'existence d'une procédure collective dont faisait
l'objet André Godalier et qui auraient dû conduire
Maître Duron à ne pas s'en tenir aux seules déclarations
de ce dernier telles que reproduites dans l'acte et à effectuer
des vérifications complémentaires.
C'est par des motifs exacts qui ne sont pas remis en cause à
hauteur d'appel que le tribunal a relevé qu'il existait
au moment du dressé de l'acte un faisceau d'éléments
qui ne pouvaient qu'appeler l'attention du notaire obligé
qu'il était de faire produire à l'acte de vente
sa pleine efficacité .
Tous ces éléments, lesquels sont d'ailleurs consignés
dans l'acte de vente, convergeaient effectivement vers l'existence
de difficultés financières : revente rapide du bien
après une donation en 1997 régularisée devant
le même notaire, charges de copropriété impayées,
une hypothèque légale suite à un commandement
de payer, une hypothèque judiciaire, les deux hypothèques
légales au profit du Trésor public ces dernières
pour des sommes importantes c'est-à-dire 19 761,80 francs
et 13 755 francs.
L'ensemble de ces faits avérés qui étaient
donc connus du notaire étaient de nature à faire
naître un doute sur les déclarations d'André
Godalier quant à l'absence de procédure collective
en cours et à sa capacité à contracter, André
Godalier relevant en sa qualité d'agent commercial des
procédures collectives.
Au surplus, le notaire, pour faciliter ses diligences, disposait
de l'ancienne adresse d'André Godalier dans la Somme puisqu'il
avait reçu la donation de 1997 de sorte que
des recherches complémentaires pour permettre à
l'acte de produire sa pleine efficacité relevaient sans
difficulté particulière de consultations du registre
des agents commerciaux, procédure qui existait antérieurement
à l'informatisation.
En conséquence, la cour confirmera ce chef de jugement.
Sur le lien de causalité et le préjudice des époux
Bodar :
Comme en première instance, les appelants soutiennent que
le préjudice ne peut s'analyser qu'en une perte de chance
de ne pas régulariser l'acte authentique du 17 juin 2002.
La cour ne suivra pas les appelants en ce que le lien de causalité
entre la faute et les préjudices subis est avéré
dans la mesure où Maître Duron a instrumenté
un acte qui n'aurait pas dû être passé. On
est au delà de la disparition d'une espérance future.
Dans l'état des éléments soumis à
la cour, le préjudice des époux Bodar sera fixé
comme suit :
-le prix d'achat de l'appartement et des meubles meublants soient
la somme de 162 358,20 euros et non pas l'estimation expertale
puisque que les époux Duron ont versé uniquement
cette somme de 162 358,20 euros pour l'acquisition du bien.
-Les frais du prêt affecté précisément
à cet achat : les époux Bodar justifient qu'ils
ont contracté deux prêts pour l'acquisition du bien
immobilier et que le cours des intérêts et frais
d'assurance dont ils se sont effectivement acquittés s'élèvent
aux sommes respectives de 9241,80 euros et 5088,07 euros
-les honoraires de négociation de l'agent immobilier soit
8384,70 euros.
-Les frais notariés soient la somme de 7873 euros
-les frais de déménagement : 799,25 euros
-le préjudice moral tenant à l'obligation de quitter
l'appartement qu'ils avaient choisi pour leur retraite : 30 000
€
Ces sommes sont dues solidairement par Maître Alain Duron
et la société civile professionnelle de notaires.
En revanche, la cour ne fera pas droit à la demande de
prise en charge du garde-meuble qui s'analyse comme un préjudice
indirect à raison du changement de taille entre l'appartement
d'origine objet de la vente et l'appartement désormais
loué.
En conséquence, le jugement sera réformé
du chef du préjudice des époux Bodar.
Sur la contribution à la dette :
C'est à bon droit que les appelants, obligés d'indemniser
la victime pour le tout en raison de la faute commise par Maître
Duron sont fondés à invoquer la faute initiale d'Alexandre
Godalier pour qu'il soit statué sur la répartition
de la charge de la dette.
Alexandre Godalier qui a la qualité de vendeur solidairement
avec son père a sciemment accepté de participer
au montage organisé par André Godalier afin de faire
sortir le bien du patrimoine familial et le faire échapper
de la sorte aux créanciers. Il sera relevé à
cet égard qu'Alexandre Godalier lui-même indique
dans ses écritures qu'il a immédiatement remployé
le prix de la vente dans l'achat d'un appartement à son
nom lequel a été occupé par ses parents.
La vente litigieuse est du 17 juin 2002 et le remploi par achat
d'un nouveau bien très peu de temps après 2002 selon
les dires du notaire non contredits par
Alexandre Godalier qui précise quant à lui que
le produit net de la vente a totalement financé le nouveau
bien.
Cette faute initiale aura pour conséquence compte tenu
de son ampleur qu'Alexandre Godalier relève indemne Maître
Duron et la SCP Ducourau Duron Labache Landais Moreau-Lespinard
pour l'ensemble des sommes mises à leur charge et non pas
seulement le prix de l'appartement.
Par ailleurs, la SCP Ducourau Duron Labache Landais Moreau-Lespinard
sera subrogée de plein droit dans les droits des époux
Bodar à l'encontre de M. Alexandre Godalier, à due
concurrence des condamnations mises à sa charge et sur
la justification du paiement effectué au profit des époux
Bodar,
Sur la demande de condamnation des notaires formés par
Alexandre Godalier: Alexandre Godalier, comme en première
instance, soutient l'existence d'une faute caractérisée
par un manquement au devoir de conseil et à l'absence de
vérification des déclarations de Monsieur Godalier.
La cour ne suivra pas Alexandre Godalier et confirmera le jugement
en ce que l'intéressé ne caractérise ni un
préjudice avéré ni les manquements allégués
dès lors qu'il a contribué lui-même en intervenant
à l'acte de vente à donner force et crédit
aux affirmations de son père relativement à sa situation
financière et qu'au surplus la donation de 1997 aux conditions
classiques de réserve du droit de retour conventionnel
pour cause de décès et d'interdiction d'aliéner
ne contenait aucune disposition contraire à ses intérêts
d'autant qu'Alexandre Godalier était sous l'administration
légale pure et simple de ses père et mère
lesquels ont nécessairement, compte tenu de la minorité
de l'intéressé, accepté pour son compte la
donation qui lui bénéficiait.
Sur les demandes accessoires:
Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure
a été exactement réglé par le premier
juge ; à hauteur de cour, compte tenu de la réformation
intervenue sur le préjudice, aucune considération
d'équité ne justifie l'application de l'article
700 du code de procédure civile.
Les dépens d'appel seront à la charge des appelants
qui échouent dans l'essentiel de leur recours avec relevé
indemne par Alexandre Godalier.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement en ce qu'il a :
- rejeté les demandes des époux Bodar à
l'encontre de M. Alexandre Godalier,
- dit que maître Alain Duron, notaire membre de la SCP Ducourau
Duron Labache Pourquet Moreau-Lespinard, a commis une faute à
l'occasion de l'établissement de l`acte authentique de
vente du 17 juin 2002, en ne vérifiant pas les déclarations
de M. André Godalier quant à l'absence de procédure
de liquidation judiciaire dont il ferait l'objet,
- dit que cette faute a directement préjudicié aux
époux Bodar et que la responsabilité civile professionnelle
de maître Alain Duron est engagée sur le fondement
de l'article 1240 du code civil dans sa rédaction issue
de l'ordonnance n° 2016 l31 du 10 février 2016,
- condamné solidairement maître Alain Duron et la
SCP Ducourau Duron Labache Pourquet Moreau-Lespinard à
payer aux époux Bodar la somme de 4.000 € sur le fondement
de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de
l'article 700 du code de procédure civile au profit de
M. Alexandre Godalier,
-condamné solidairement maître Alain Duron et la
SCP Ducourau Duron Labache Pourquet Moreau-Lespinard aux dépens
de l'instance, avec droit de recouvrement direct au profit des
avocats de la cause en application de l'article 699 du code de
procédure civile,
Réforme pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne solidairement Maître Alain Duron et la SCP
Ducourau-Duron- Labache- Landais -Moreau-Lespinard à payer
à Alain Bodar et Catherine de Tonnac de Villeneuve épouse
Bodar les sommes suivantes :
* 162 358,20 euros au titre du prix d'achat du bien
* 9241,80 euros et 5088,07 euros au titre des intérêts
et frais des deux prêts affectés à l'achat
du bien
* 8384,70 euros au titre des honoraires de négociation
de l'agent immobilier
* 7873 € au titre des frais notariés
* 799,25 euros au titre des frais de déménagement
* 30 000 € au titre du préjudice moral
Dit que Maître Duron et la SCP Ducourau-Duron- Labache-Landais
-Moreau-Lespinard seront relevés indemne par Alexandre
Godalier, de l'ensemble des condamnations mises à leurs
charges.
Dit que la SCP Ducourau Duron Labache Landais Moreau-Lespinard
sera subrogée de plein droit dans les droits des époux
Bodar à l'encontre de M. Alexandre Godalier, à due
concurrence des condamnations mises à sa charge et sur
la justification du paiement effectué au profit des époux
Bodar,
Déboute Alexandre Godalier de ses demandes à l'encontre
de Maitre Duron et la SCP Ducourau Duron Labache Landais Moreau-Lespinard
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code
de procédure civile pour les frais irrépétibles
d'appel pour aucune des parties
Condamne in solidum Maitre Duron et la SCP Ducourau Duron
Labache Landais Moreau-Lespinard aux dépens d'appel avec
faculté de recouvrement au profit des avocats en la cause
par application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé
par Madame Michèle ESARTE, président, et par Madame
Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision
a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,
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