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Texte recopié ci-dessous
ooo Dans cette affaire, " un Outreau de l'emploi ", dira Proust, la juge Schium-berger n'était pas, à l'inverse de Fabrice Burgaud, une novice : elle comptait huit ans d'ancienneté.
La cosaisine, dans les affaires délicates, de deux juges serait, semble-t-il, une piste à explorer pour éviter de telles erreurs.
Car, selon l'adage bien connu, deux avis valent mieux qu'un. Cette solution re-cueillerait l'assentiment de bon nombre de députés. Le juge d'instruction Charles Duchaine, spécialisé dans les affaires politico-financières, en poste à Marseille, après l'avoir été à Monaco puis à Bastia,
se montre sceptique sur la codésignation : " Ce n'est pas la panacée. Le nombre ne fait pas la qualité : la collégialité suppose du temps et peut, à défaut, se traduire par une dilution des responsabilités. " Non sans humour, le juge poursuit :
" A l'heure où les grandes compagnies aériennes suppriment les copilotes pour des raisons de coût, il serait une erreur de croire, ou un mensonge de faire croire, que le remède à tous les maux serait dans la cosaisine, alors que nous savons tous que la charge de travail actuelle des juges leur interdit le luxe de se pencher à deux sur un même dossier. "
Seule quasi-certitude : un jeune juge de 25-26 ans, frais émoulu de l'Ecole nationale de la magistrature, ne se verra plus confier un dossier de l'ampleur de elui d'Outreau. Cette époque-là paraît révolue. Le rapporteur de la commission d'enquête parlementaire, Philippe
Houillon (UMP), pense que quinze ans d'ancienneté serait un laps de temps nécessaire avant de devenir juge d'instruction. Trop long, lui répond en écho le juge Philippe Courroye : " Je penche plutôt pour un délai de cinq ans. " Et de poursuivre : " Pourquoi ne pas instaurer aussi un délai pour le juge des enfants, qui exerce une mission tout aussi délicate que le magistrat instructeur ? "
2. La procédure
Inquisitoire
C'est le système qui prévaut dans notre droit depuis plus de deux siècles, avec comme clef de voûte le juge d'instruction. Lequel se trouve dans une contradiction : comment concilier son rôle d'enquêteur avec celui d'arbitre ? Georges Fenech, ancien juge d'instruction à Lyon, membre de la commission d'enquête parlementaire, n'y va pas par quatre chemins : il faut supprimer le juge d'instruction et introduire un système accusatoire de type anglo-saxon.
Une façon, dit le député du Rhône, d'établir un réel équilibre entre les deux parties, l'autorité poursuivante (le parquet) et la défense.
Le juge Renaud Van Ruymbeke, qui a instruit bon nombre d'affaires politico-financières (Urba, Elf), partage cet avis, en voyant d'un bon œil les enquêtes confiées aux membres du parquet. Mais à une condition : que ceux-ci soient réellement indépendants et non plus nommés par le pouvoir politique. Par qui, alors ? C'est tout le problème, puisque les fonctionnaires sont nommés par le pouvoir politique. Pourquoi ne pas envisager la nomination des parquetiers par un Conseil supérieur de la magistrature, au sein duquel les magistrats ne seraient plus majoritaires ? Si l'idée fait son chemin, elle se heurte à l'opposition du principal syndicat de magistrats en France, l'Union syndicale des magistrats (USM). Même si un zeste de procédure accusatoire - c'est le souhait de bon nombre des avocats des acquittés d'Outreau - devait être introduit en France, elle comporte un double risque : d'abord, celui de voir des chefs de parquet se transformer en proconsuls judiciaires, voire en seigneurs féodaux aux pouvoirs illimités. Ensuite, celui d'introduire une inégalité entre les justiciables les plus aisés pouvant compter sur les services d'avocats et d'enquêteurs célèbres mais aux coûts coquets. C'est ce qui se pratique aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, pays dans lesquels soit dit en passant, les erreurs judiciaires sont légion...
Ce système accusatoire, le juge Duchaine n'en veut pas. A ses yeux, le juge d'instruction doit vivre. Encore :
" Depuis toujours, quand on veut tuer son chien, explique-t-il, on dit qu'il a
rage. L'opinion devrait faire un effort de mémoire pour se souvenir que sans 1es juges d'instruction les plus grands scandales politico-financiers n'auraient jamais éclaté. "
3. La détention
provisoire
C'est évidemment le scandale de l'affaire d'Outreau. Selon le Code de procédure pénale, la détention provisoire doit demeurer l'exception, tandis que la liberté est la règle ! Pourtant les statistiques de la chancellerie parlent d'elles-mêmes : actuellement, environ 20 000 personnes sont emprisonnées provisoirement. Soit 34 % de la population carcérale.
En France, bien souvent, l'incarcération provisoire constitue un moyen de pression pour obtenir des aveux. Les accusés d'Outreau et leurs avocats n'ont pas manqué de dénoncer devant les députés cette façon de faire du juge Fabrice Burgaud. Même si, juridiquement, in fine, l'incarcération était décidée par le juge des libertés et de la détention, le fameux JLD.
Que faire pour qu'enfin la détention provisoire soit réellement l'exception
Pascal Clément, le garde des Sceau: serait partisan d'une incarcération provisoire pour les seuls récidivistes en Cas de simple délit. Une mesure a priori intéressante. Seulement voilà : dans le climat sécuritaire que connaît la Franc", que pensera l'opinion si l'auteur d'un
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