Accueil     Voir la publication de Marianne du 16 Octobre 2004
 Renard et les politiques 
Source : Nouvel Observateur  (recopie ci-dessous)  Voir pages 94 extrait  94Zoom  96 98 100 102

au moins trois versions du rapport ", assure un magistrat de Nice. « A lire la conclusion, ajoute un autre, il est évident qu'elle a été rajoutée in extremis. Il fallait enfoncer Montgolfier et sauver Renard" Eric de Montgolfier est un magistrat indiscipliné, fort en gueule, qui indispose. La chancellerie a profité du rapport de l'IGSJ pour essayer de k déplacer.

A-t-elle redouté aussi une réaction incontrôlable du juge Renard ? Pour l'instant, le magistrat a sombré seul. Mais pendant ces vingt-deux années passées dans les Alpes-Maritimes, il aurait accumulé suffisamment de "munitions" contre suffisamment de personnes, franc-maçonnes ou pas. II serait une « bombe vivante" dont la possible déflagration ferait trop de dégâts et ruinerait l'image de la justice. Son avocat Michel Cardix hausse les épaules : .Mon client paie à lui seul la mauvaise réputation que l'on fait depuis plusieurs années à la justice niçoise prétendument corrompue. Il fait un bouc-émissaire parfait" La longévité de Renard doit aussi beaucoup au corporatisme de la magistrature - l'USM, syndicat majoritaire modéré, avait applaudi le rapport de l'IGSJ. Mieux valait une éviction en douceur plutôt qu'un déballage au grand jour.

Une dernière hypothèse court dans les couloirs du tribunal de Nice. De nombreux magistrats ne comprennent pas non seulement pourquoi l'IGSJ a rendu un rapport aussi «  abracadabrantesque » au printemps 2003 mais aussi pourquoi la chancellerie a mis autant de temps à réagir. Certains évoquent, bien sûr, les «  réseaux maçons  » qui irradient toute la magistrature . Jusqu'à l'IGSJ ? Jusqu'au C.S.M ? En 2000, quand le juge Murciano de Grasse a été convoqué par l'instance disciplinaire, il a carrément mis en cause un des magistrats qui siégeait en évoquant son appartenance a la même loge que Michel Mouillot. Le magistrat qui a démenti, a été jusqu'à faire circuler des attestations de sa présence à la messe le dimanche, pour se défendre. Aujourd'hui, à Nice, l'ambiance est devenue si passionnelle sur la question que certains en viennent à s'interroger sur une possible initiation du garde des Sceaux, lui-même (cf. encadre).

Ce que l'on sait avec certitude, en tout cas, c'est qu'il aura fallu un an avant que le ministère prenne à bras le corps l'« affaire .Jean-Paul Renard  » Grâce a Bernard Bacou, plutôt marqué à gauche, et à Vincent Lamanda, qui a le profil politique exactement inverse.

MARIE-FRANCE ETCHEGOIN et 0LIVIER TOSCER
Renard et les politiques

Simple connivence avec les élites locales ou trop grande solidarité entre frères de la Côte ? Les pairs du juge Renard lui reprochent une grande mansuétude avec certains notables ayant fréquenté le tribunal de Nice. La solidarité maçonnique joue au moins clairement en arrière-plan dans l'affaire Mouillot, l'ex-maire de Cannes, cofondateur de la loge maçonnique de Jean-Paul Renard. Quand la justice niçoise hérite du dossier de corruption dans lequel Mouillot est impliqué, Jean-Paul Renard est à deux doigts d'en hériter. Il faut une intervention in extremis du sous-préfet de Grasse auprès du président du tribunal, révélant les liens maçonniques entre les deux hommes, pour que l'instruction lui échappe. Et encore, Renard a tenté en vain de minimiser sa proximité avec Mouillot, plaidant qu'il ne fréquentait plus la même loge. «  Ce qui m'a choqué , observera plus tard le président du tribunal, c'est que Renard n'ait pas spontanément compris qu'il y avait un risque à le désigner et qu'il ne m'ait pas alerté de la situation délicate dans laquelle il risquait de se trouver si c'était le cas  » L'ombre de la maçonnerie plane également au-dessus de l'affaire Balarello, du nom du

sénateur ancien président de l'Office public des HLM des Alpes-Maritimes. Saisi du dossier, le juge Renard disculpe ce notable niçois empêtré dans un cas de corruption et de trafic d'influence... sans même l'entendre ! « Pour ne pas nuire à sa réputation  », expliquera-t-il candidement. « je n'avais aucune raison de l'impliquer artificiellement  » soutiendra-t-il. Contre l'avis de la majorité des autres magistrats niçois, interrogés par le Conseil de la Magistrature. Enfin, que penser de l'intimité quasi familiale entre le couple Renard et la famille Ginesy ? En charge d'un dossier de favoritisme impliquant Charles Ginesy, alors président du conseil général des Alpes-Maritimes, le juge Renard accepte les invitations du fils de l'élu. Un jour pour faire du scooter des neiges ; un autre pour une partie de rafting, toujours tous frais payés. Le magistrat côtoie ainsi inévitablement le père, sur lequel il instruit. Au cours de l'enquête disciplinaire, un témoin a même affirmé avoir assisté à une conversation où le mis en examen tentait, entre la poire et le fromage, de convaincre son juge d'instruction de son innocence. Une conversation indécente que le juge Renard dément avoir jamais eue. n O. T.