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LYON MAG Octobre 2004     Les suites autres sources  La suite :  LYON MAG juin 2007 , mars 2007
Vue l'ampleur des détournements du mandataire et les faillites qu'il a causées : La demande de condamnation n'est que broutilles !

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de commerce, il travaille chez un syndic d'immeubles. Et en 1975, après son service militaire, il rachète une étude de mandataire liquidateur judiciaire à Chalon.

Mais ce qui frappe, c'est l'importance de son patrimoine, avec des propriétés à Chalon et Lyon mais aussi Mérignac, Saint-Tropez et Cannes. Sans oublier des parts dans la Cour des loges, un hôtel haut de gamme du Vieux Lyon et des participations dans diverses SCI ou entreprises, dont Radio Chalon.

60 000 euros par mois, c'est ce que gagnait Aubert, à la belle époque. Moins riches, ses complices ont quand même réalisé quelques économies comme Yveline Harlay, la comptable de la société de recouvrement, qui travaillait pour Aubert, et qui a placé près de 500 000 euros en banque. Alors que Sylvio Tamburlin, le gérant de cette même société, s'est fait une tirelire de 1,3 million d'euros. Sans oublier Hervé Brétaudière, un commissaire-priseur qui réalisait 40 % du chiffre d'affaires de son étude grâce à la vente des actifs des entreprises en faillite gérées par Aubert. Face à leurs justifications pitoyables, le procureur Denier, lance : "Ça me rappelle une belle fripouille que j'ai connue à Nice !".

Mais on comprend vite que ce sont essentiellement des manipulations comptables qui seront jugées dans cette affaire. Notamment le gonflement des honoraires d'Aubert ou ses astuces pour éviter que ces détournements soient découverts lors des contrôles réalisés chaque année par deux représentants de sa profession. "Ces contrôles par vos pairs n'étaient pas très sérieux", souligne le président en citant celui effectué en 1999 par un Lyonnais, Me Sabourin.

Le président :
"ce que l'on voit n'est que la partie émergée de l'iceberg"

Le lendemain, André Gentien comparaît mais comme simple témoin. "On s'est laissé piéger", affirme le président du tribunal de commerce qui s'affranchit de toute responsabilité. Pourtant pendant des années, il laissera Aubert trafiquer. Comment tout cela a été possible ? Personne ne lui posera la question. Dommage.

Le reste de la journée sera consacrée à l'examen des 16 dossiers retenus par le juge d'instruction pour pointer les magouilles d'Aubert. Encaissements anticipés d'honoraires, frais gonflés, va-et-vient de chèques... Les experts mandatés par le tribunal ont établi qu'Aubert a prélevé plus de 3 millions d'euros sur son compte professionnel pour le verser sur ses comptes et ceux de son ex-épouse.

De cette journée on retiendra une petite phrase du président : "Le peu que nous voyons, c'est la partie émergée de l'iceberg." Mercredi 14 février, troisième jour du procès. Michel Appoggi tente de se porter partie civile. Pour cela, il a fait appel à un avocat lyonnais, Me Christophe-Noël Oberdorff, car à Chalon, il a toujours eu du mal à trouver des avocats pour attaquer Aubert. Mais sa demande est rejetée. Le tribunal invoque "la prescription". Pas très convaincant, car cela fait vingt ans qu'Appoggi essaye en vain de saisir la justice ! Puis Aubert est interrogé sur ses malversations. Et on découvre alors qu'il utilisait un programme informatique de gestion, "Mandragore", spécialement conçu pour sa profession et qui, normalement, affiche une alerte en cas de magouille.

Aubert reconnaît qu'il "forçait" ce logiciel. Le président énumère des sommes importantes. Aubert hausse alors les épaules, le procureur s'énerve : "Vous parlez d'erreurs ou de négligences, alors que vous aviez clairement l'intention de commettre des malversations ! Et ce magistrat ajoute : "Est-ce que ça n'a pas servi de pompe à finances pour autre chose ?"

Silence dans le tribunal. "Et si c'était politique ? lance au fond de la salle une des victimes d'Aubert qui aimerait que le président et le procureur aillent plus loin que ces allusions. "Quand on sait qu'Aubert était trésorier de Perben, et que le président du tribunal de commerce qui a laissé faire ces magouilles n'est autre que le suppléant de Perben à l'Assemblée nationale, on peut se poser des questions !" lance Appoggi. Mais la question reste sans réponse. Certains mouvements de fonds restent d'ailleurs toujours inexpliqués.

Comment Aubert a utilisé ces millions d'euros ? L'accusé se lance dans une longue explication en affirmant qu'il a beaucoup investi dans le club de rugby de Chalon et la plongée

 

"Le procureur a requis 2 ans ferme et 500 000 euros d'amende"

sous-marine. Sa passion. On apprend aussi qu'il a aidé son frère qui tenait un bistrot à Saint-Tropez en difficultés financières. En fin d'après-midi, le procureur Denier se lève pour requérir : "Vous êtes un malin. Mais je ne crois pas un instant à votre théorie de l'erreur", lance ce magistrat qui ajoute : "Vous avez agi en prévaricateur alors que vous étiez chargé d'un service public ! " Le magistrat conclura en réclamant quatre à cinq ans de prison dont la moitié avec sursis, 500 000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction d'exercer sa profession. Mais sa demande de replacer Aubert en détention provisoire sera refusée par le président sans explication.

Jeudi 15 février, dernier jour d'audience. Me Christophe Ayela, l'avocat d'Aubert, se lance dans une plaidoirie interminable en s'attaquant au procureur : "La hargne et la férocité de votre réquisitoire m'ont fait peur." Mais il accuse aussi Arnaud Montebourg, le député PS qui a été un des premiers à prendre la défense des victimes d'Aubert. En l'accusant de manipuler ces victimes pour faire de ce procès une tribune politique.

A la fin du procès, le président Taillebot demande au prévenu s'il a quelque chose à ajouter. "Je reconnais mes erreurs, j'ai trahi" murmure Jean-Yves Aubert avant de fondre en larmes. Mais ses victimes restent imperturbables, car rares sont ceux qui croient à la sincérité de ce notable qui tout fait pour échapper à la justice. Jugement le 16 avril.

Jean-Frédéric Francia