REJET des pourvois formés par 1o X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour
d'appel de Grenoble, en date du 4 février 1997, qui, dans
l'information suivie contre lui des chefs de complicité
et recel d'abus de biens sociaux et d'abus de confiance, corruption
passive et concussion, a fait partiellement droit à ses
demandes d'annulation d'actes de la procédure ; 2° X...,
Y..., contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle,
en date du 7 avril 1999, qui a condamné le premier, pour complicité
et recel d'abus de biens sociaux et d'abus de confiance, participation
frauduleuse à une entente prohibée, concussion et corruption
passive, à 2 ans d'emprisonnement dont 1 an avec
sursis, 1 500 000 francs d'amende et 5 ans d'interdiction du
droit de vote et d'éligibilité, le second, pour corruption
active et entente frauduleuse, à 8 mois d'emprisonnement avec
sursis et 100 000 francs d'amende.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I. Sur le pourvoi de Y... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit à
l'appui de ce pourvoi ;
II. Sur les pourvois de X... ;
Vu le mémoire produit ;
A. Sur le pourvoi contre l'arrêt de la chambre d'accusation du
4 février 1997 :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles
173, 206, 80, 81, 114 du Code de procédure pénale, 293
du même code, excès de pouvoir, manque de base légale,
violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt de la chambre d'accusation du 4 février
1997 a rejeté la demande de X... tendant à la nullité
d'actes de la procédure, et, après s'être saisi
d'office des nullités invoquées par le procureur général,
a dit qu'il n'y avait pas de nullités ;
" alors, d'une part, que parmi les actes argués de nullité
par le procureur général et dont la chambre d'accusation
déclare s'être saisie d'office sur le fondement de l'article
206 du Code de procédure pénale, figuraient une série
d'actes exécutés par le juge d'instruction entre le 17
janvier 1995 et le 31 janvier 1995, comportant des commissions rogatoires
prescrivant des écoutes téléphoniques, des perquisitions
et des auditions de personnes déjà mises en examen dans
une procédure dont il était saisi, mais concernant des
faits nouveaux relatifs à X..., sur lesquels le parquet était
en train de diligenter une enquête préliminaire, et qui
n'ont fait l'objet d'un réquisitoire supplétif que le
8 février 1995 ; que la chambre d'accusation qui, quoique s'étant
expressément saisie d'office de nullités invoquées
par le procureur général, ne s'est pas prononcée
sur la validité de ces actes exécutés hors saisine,
précisés par le parquet, ni sur la validité de
la procédure subséquente, a ainsi méconnu l'étendue
de ses propres pouvoirs, et consacré l'excès de pouvoir
commis par le juge d'instruction ;
" alors, d'autre part, que des commissions rogatoires, des écoutes
téléphoniques et des perquisitions sont des actes coercitifs,
interdits au juge d'instruction qui n'est pas saisi des faits que ces
actes ont pour objet de démontrer, même en cas d'urgence
; que le juge d'instruction a donc excédé ses pouvoirs,
peu important que certains de ces actes coercitifs n'aient pas visé
X..., lequel, au demeurant, a été l'objet des écoutes
téléphoniques litigieuses ;
" alors enfin qu'il résulte tant
de l'arrêt attaqué que des pièces du dossier, que
tant les commissions rogatoires du 31 janvier 1995 ordonnant, avant
la saisine du juge d'instruction, l'écoute des lignes téléphoniques
de X..., que les procès-verbaux relatant ces écoutes,
n'ont été joints au dossier qu'après le mois d'août
ou septembre 1996, après notification de la fin de la procédure,
et très postérieurement à la mise en examen de
X... le 8 février 1995 et à son placement en détention,
ceci sans aucune justification ni explication ; que pendant un an et
demi, et jusqu'à sa clôture, le dossier que n'avaient pas
rejoint les actes terminés depuis le 28 février 1995,
a été ainsi incomplet, la défense étant
placée dans l'impossibilité d'y puiser des éléments
qui, en l'espèce, eussent plaidé en sa faveur ; que si
une commission rogatoire et ses actes d'exécution ne sont pas
nécessairement versés au dossier pendant cette exécution,
la loyauté qui doit gouverner toute instruction commande nécessairement
que le juge d'instruction joigne au dossier, aussitôt que cela
est possible, toutes les pièces qui y sont liées, et notamment
ses propres commissions rogatoires et leurs actes d'exécution
; que tout retard injustifié s'analyse alors nécessairement
soit comme la dissimulation d'une partie du dossier auquel la défense
a pourtant le droit d'accéder en cours d'instruction, soit comme
la mise au point d'un dossier parallèle, parfaitement interdite
au magistrat instructeur ; qu'ainsi, la chambre d'accusation a méconnu
le principe de loyauté dans la recherche des preuves et la communication
du dossier, et violé les droits de la défense " ;
Attendu, d'une part, que le demandeur est sans qualité pour contester
la régularité de commissions rogatoires délivrées
par le juge d'instruction prescrivant des auditions et des perquisitions
qui concernent d'autres personnes mises en examen ;
Attendu, d'autre part, qu'il résulte de l'arrêt attaqué
et des pièces de la procédure que, dans le cadre d'une
information dirigée contre Z..., adjoint au maire de Grenoble,
notamment du chef de corruption, des dirigeants d'entreprise ont mis
en cause X..., notaire, maire d'Huez-en-Oisans, vice-président
du conseil général, chargé de l'équipement,
président de la commission d'appel d'offres, susceptible d'avoir
participé aux faits délictueux ; que les juges d'instruction
saisis ont ordonné diverses mesures et notamment, par commission
rogatoire du 31 janvier 1995, les écoutes téléphoniques
de la ligne de X..., qui ont été réalisées
du 1er au 28 février 1995, pour partie avant la délivrance,
le 8 février 1995, d'un réquisitoire supplétif
visant ce dernier ;
Attendu que, pour dire régulières ces écoutes téléphoniques,
la chambre d'accusation constate qu'elles ont été ordonnées
et réalisées dans les conditions exigées par les
articles 100 et suivants du Code de procédure pénale ;
Qu'elle relève que, si les procès-verbaux
constatant ces écoutes téléphoniques n'ont été
joints à la procédure qu'au mois de septembre 1995, il
n'en est résulté aucune irrégularité, dès
lors que la loi n'exige pas que pendant l'exécution d'une commission
rogatoire, une copie de cette pièce figure au dossier, que la
date d'arrivée des procès-verbaux au cabinet des juges
d'instruction n'est pas connue et que les droits de la défense
de X... n'ont pas été lésés, ce dernier
ayant été en mesure de contester la régularité
des actes et aucun interrogatoire n'ayant fait mention des résultats,
d'ailleurs négatifs, de cette mesure ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, et dès lors
que les écoutes téléphoniques étaient justifiées
par la recherche des preuves des infractions dont le juge d'instruction
était saisi, la chambre d'accusation n'a méconnu aucun
des textes invoqués ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable et non fondé
pour le surplus, doit être écarté ;
B. Sur le pourvoi de X... contre l'arrêt de la cour d'appel du
7 avril 1999 ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que des
anomalies ont marqué la passation des marchés d'enrobés
bitumineux du département de l'Isère notamment pour l'année
1994 ; que ces marchés ont été passés par
le conseil général selon la procédure du "
marché à commander ", annuels et reconductibles sur
appel d'offres restreint, impliquant une sélection préalable
des candidats admis à présenter une offre par la commission
d'appel d'offres qui examinait les propositions des candidats sélectionnés
et choisissait librement celle qu'elle jugeait la plus intéressante
; que plusieurs entrepreneurs se sont réunis le 10 janvier 1994,
soit la veille de la remise des offres de soumission, pour mettre au
point une entente sur les prix afin de se répartir, par maintien
des positions acquises, les secteurs du marché départemental
de l'année 1994 ;
Attendu que les chefs d'entreprises concernés ont été
invités à verser des sommes ou procurer des avantages
à X... tels que la prise en charge de voyages
d'agrément, de frais de chasse en Pologne et en Tchécoslovaquie,
de factures de promotion de la station de l'Alpe-d'Huez, ou de versements
à l'office de tourisme de l'Alpe-d'Huez (OTAH), sous peine de
ne pas obtenir de marchés ; que la contrepartie convenue à
ces avantages était l'assurance donnée par X..., en raison
de ses fonctions au conseil général et à
la commission d'appel d'offres, de favoriser par son action personnelle
la reconduction de l'entente entre les entrepreneurs sur le marché
départemental des enrobés bitumineux et la perpétuation
de ses effets ; que X... a bénéficié, de 1990 à
1995, de contreparties d'une valeur de 5 356 077 francs ;
Attendu, par ailleurs, que X..., en sa qualité de maire d'Huez-en-Oisans,
a, en l'absence de toute délibération du conseil municipal,
exigé des promoteurs immobiliers, une somme de 400 francs par
logement construit, à titre de taxe, dont le produit était
versé sur un compte de l'OTAH ; que cette taxe a rapporté
de 1985 à 1994 la somme de 505 600 francs ;
Attendu, enfin, que sur la demande de X...,
le président de l'association A..., lui a remboursé des
frais de séjours privés dans des hôtels parisiens
d'un montant total de 281 181 francs pour la période 1983-1994
; qu'en outre, les dirigeants de l'association ont perçu des
" primes " indues de 2 981 817 francs payées par chèques
tirés sur un compte de l'association dont disposait X..., qui
fixait annuellement le montant de ces primes, bien qu'il n'ait été
investi d'aucun mandat à cet égard ;
Attendu que X... a été poursuivi et condamné
pour complicité et recel d'abus de biens sociaux et d'abus de
confiance, participation frauduleuse à une entente prohibée,
concussion et corruption passive ;
En cet état ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des
articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme,
2.1, du protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne
des droits de l'homme, violation de l'article 520 du Code de procédure
pénale par fausse application, excès de pouvoir et violation
des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué après avoir annulé
le jugement a évoqué l'affaire et l'a jugée au
fond, en entrant en voie de condamnation notamment à l'encontre
de X... ;
" aux motifs que, nonobstant l'annulation du jugement à
raison de la présence, dans la composition du tribunal, de deux
magistrats dont la participation au jugement de l'affaire justifie objectivement
les craintes d'un manque d'impartialité, le tribunal régulièrement
saisi par ordonnance de renvoi restait compétent pour connaître
de l'affaire ; que la cour d'appel a l'obligation d'évoquer le
litige ;
" alors que l'évocation est impossible lorsque l'annulation
de la décision de première instance a pour cause une irrégularité
de la composition du tribunal qui l'a rendue, tenant à un défaut
d'impartialité objective de ce tribunal ; qu'en effet, rendre
l'évocation obligatoire en pareil cas revient à pénaliser
doublement la défense qui, n'ayant pu bénéficier
d'un tribunal impartial au sens de l'article 6 de la Convention précitée,
se voit à l'occasion de cette violation privée du double
degré de juridiction consacré par l'article 2-1 du protocole
additionnel n° 7 à la même Convention ; qu'en pareil
cas, la nullité entachant la décision de première
instance doit être assimilée à une nullité
touchant à la compétence, interdisant à la juridiction
d'appel d'évoquer " ;
Attendu qu'en évoquant et statuant sur le fond après avoir
annulé le jugement entrepris en raison de la composition irrégulière
du tribunal correctionnel, la cour d'appel a fait l'exacte application
de l'article 520 du Code de procédure pénale, dont les
dispositions ne sont pas limitatives, et n'a pas méconnu les
dispositions conventionnelles invoquées, dont la ratification
a été assortie de réserves par la France ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation,
pris de la violation des articles 7 et 17 de l'ordonnance du 1er décembre
1986, de l'article 121-1 du Code pénal, de l'article 593 du Code
de procédure pénale, du principe " non bis in idem
", violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré
X... coupable de participation à des pratiques anti-concurrentielles
;
" aux motifs qu'il connaissait l'existence d'une entente entre
les entreprises concernées pour l'attribution en 1994 du marché
d'enrobés bitumineux du département de l'Isère,
entente reconduite d'année en année ; qu'il s'est abstenu
de faire des actes en son pouvoir pour prémunir la collectivité
publique des effets de cette entente ; qu'il a ajouté un onzième
secteur, attribué à des sociétés du groupe
CGE ; que l'attribution à X..., par les entreprises intéressées,
de divers avantages accordés en exécution d'un pacte de
corruption constituait le prix de sa participation ;
" alors, d'une part, qu'aucun fait matériel constitutif
d'une participation active de X... à la création et au
maintien de l'entente n'est caractérisé par l'arrêt
attaqué à son encontre, cette participation ne pouvant
résulter de la simple "connaissance" qu'il aurait eue
d'une entente ancienne, ni du fait qu'il se serait abstenu de la dénoncer
; que le simple fait d'avoir dans l'exercice de ses fonctions créé
un onzième secteur de marché à attribuer ne suffit
pas, à lui seul, à caractériser un acte positif
de création d'une entente, la sectorisation du marché
étant reconnue par les juges du fond comme une nécessité
inhérente à la fourniture des bitumes chauds et lourds
en cause ; qu'ainsi, aucun fait positif de participation n'est caractérisé
à l'encontre de X... ;
" alors, d'autre part, que les mêmes faits ne peuvent être
poursuivis sous deux qualifications distinctes ; que la cour d'appel
a violé le principe "non bis in idem" en retenant que
l'abstention fautive de X..., moyennant l'attribution de divers avantages
aurait été le fruit d'une corruption " ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des
articles 433-1 nouveau, 177, 178 anciens du Code pénal, 593 du
Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque
de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré
X... coupable de corruption passive ;
" alors, d'une part, qu'en aucun de ses motifs la cour d'appel
ne caractérise l'existence d'un pacte préalable déterminant
les actes de la fonction requis de X..., et les versements corrélatifs
effectués par les chefs d'entreprise de travaux publics ; que
l'existence d'un pacte entre les chefs d'entreprise eux-mêmes
sur une entente ne saurait remplacer l'exigence de constatation d'un
pacte entre le corrupteur et le corrompu, impliquant la réciprocité
des actes de l'un et de l'autre ;
" alors, d'autre part, que la cour d'appel
ne pouvait sans contradiction considérer que la corruption aurait
consisté pour X... à s'abstenir de dénoncer la
reconduction, en 1994, de l'entente créée entre eux par
les chefs d'entreprises de travaux publics, à propos du marché
des enrobés bitumineux du département, et relever de la
part de ces derniers des versements et avantages s'étalant de
1989 à 1994 ; qu'au demeurant, en s'abstenant de dire et de rechercher
si le prétendu pacte corruptif aurait existé avant ces
versements, la cour d'appel n'a pas donné de base légale
à sa décision ;
" alors de surcroît que l'acte reproché à X...
aurait consisté à s'abstenir de dénoncer une entente
convenue entre diverses entreprises de travaux publics pour la reconduction
en 1994 d'un marché de travaux routiers ; que la cour d'appel
a déjà qualifié ces faits de participation à
l'élaboration de l'entente illicite et violé le principe
"non bis in idem" ;
" alors encore que le seul fait, à le supposer avéré,
d'annoncer qu'un pourcentage serait prélevé sur chaque
entreprise, pourcentage fonction du marché obtenu et appliqué
indifféremment quelle que soit l'entreprise attributaire, n'est
pas constitutif d'un délit de corruption puisqu'il est exclusif
d'un lien entre le versement exigé et l'attribution du ou des
marchés, c'est-à-dire l'acte de la fonction, quand bien
même ces marchés auraient été répartis
par les entreprises entre elles ; qu'ainsi le délit de corruption
n'est pas caractérisé ;
" alors de surcroît qu'en s'abstenant de rechercher si les
décisions sur l'attribution des marchés avaient été
prises de façon collective, comme le faisait valoir X..., par
la commission d'ouverture des offres, au vu d'éléments
qui, s'ils devaient révéler une entente, étaient
nécessairement connus de l'ensemble des membres de cette commission
(notamment sur la structure prétendument singulière des
offres de chacun) et si en conséquence il relevait véritablement
des fonctions de X... de procéder à ces attributions ou
s'il avait cherché à influer sur les décisions
au sein de la commission, la cour d'appel qui reconnaît expressément
(p. 38) que X... n'avait pas le pouvoir d'évincer une entreprise
du marché, n'a pas donné de base légale à
sa décision ;
" alors enfin qu'il résulte de l'arrêt attaqué
lui-même (p. 28) que les conventions de parrainage entre les entreprises
et l'office du tourisme de l'Alpe-d'Huez n'étaient pas illégales,
en particulier au regard de la loi fiscale ; que de telles conventions
qui permettent de subventionner de façon licite et transparente
les activités d'une collectivité publique n'appellent
pas légalement de contre partie directe au profit des entreprises,
lesquelles demeurent libres d'exploiter de façon publicitaire
plus ou moins affichée la circonstance de leur participation
financière aux activités de l'office ; que le seul fait
que les retombées de ces contrats aient été peu
exploitées ou jugées peu rentables par les entreprises
était insusceptible de caractériser de la part de X...
l'exigence de prestations indues et donc le délit de corruption
passive à son encontre " ;
Les moyens étants réunis ;
Sur le troisième moyen, pris en sa
seconde branche et sur le quatrième moyen, pris en sa troisième
branche :
Attendu, que le demandeur est sans intérêt à reprocher
à la cour d'appel de l'avoir déclaré coupable des
mêmes faits sous plusieurs qualifications pénales, comportant
au demeurant des éléments constitutifs différents,
dès lors que, conformément aux articles 5 ancien et 132-3
nouveau du Code pénal, une seule peine a été prononcée
;
Sur le troisième moyen, pris en ses autres branches ;
Attendu, qu'après avoir décrit le mécanisme de
l'entente conclue par des entrepreneurs afin de se répartir,
par maintien des positions acquises et exclusion de concurrents, les
marchés départementaux d'enrobés bitumineux pour
l'année 1994, les juges énoncent, en se fondant sur les
déclarations des chefs d'entreprise, que X... a exercé
un rôle personnel et déterminant dans la conception, l'organisation
et la mise en oeuvre de l'entente ;
Qu'en cet état, la cour d'appel a caractérisé le
délit de participation à des pratiques anticoncurrentielles
dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
Sur le quatrième moyen, pris en ses autres branches :
Attendu que, pour déclarer X... coupable de corruption passive,
la cour d'appel retient que ce dernier, en raison de ses fonctions au
conseil général et à la commission d'appel d'offres,
était doté de pouvoirs importants aux différents
stades de la dévolution des marchés de travaux publics
du département, tant en raison de sa participation dans le choix
des entreprises attributaires des marchés que dans la préparation
de ceux-ci et leur exécution ; que les juges relèvent
également que X..., dès 1988, a exigé de certaines
entreprises de travaux routiers, candidates à l'attribution d'un
marché, le versement direct ou indirect de sommes d'argent ou
la prise en charge de diverses dépenses personnelles ou destinées
à la promotion de la station de l'Alpe-d'Huez, le montant de
la contribution ayant été fixé, selon certains
entrepreneurs, par un pourcentage du marché ; qu'ils retiennent
que la contrepartie convenue et effectivement obtenue a consisté
dans l'action personnelle de X... dans la reconduite de l'entente entre
les chefs d'entreprise sur l'attribution des marchés et la perpétuation
de leurs effets ; qu'ils ajoutent que les dons consentis à X...
ont eu une destination purement privée ou ont été
utilisés en vue d'assurer sa réélection ou favoriser
l'accomplissement de ses ambitions personnelles ; qu'ils concluent que
les divers avantages consentis, évalués en définitive
à 5 356 077 francs, ont procédé d'un pacte de corruption
;
Attendu que, pour écarter le moyen de défense invoqué
par X... tiré du caractère collégial des décisions
de la commission d'appel d'offres, la juridiction du second degré
souligne que les candidatures des entreprises aux appels d'offres restreints
étaient prédéterminées et combinées
de longue date et que les dossiers présentés aux membres
de la commission étaient établis de telle manière
que le choix s'imposait de lui-même ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel
a caractérisé en tous ses éléments constitutifs
le délit dont elle a déclaré le prévenu
coupable ;
Que, dès lors, les moyens doivent être écartés
;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des
articles 21-7 nouveau, 59 et 60 anciens du Code pénal, 425.4°
et 437.3° de la loi du 24 juillet 1966, 593 du Code de procédure
pénale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré
X... coupable de complicité des abus de biens sociaux commis
par M. B... (entreprise C... pour 1,2 million de francs), et par Joseph
D..., Jean-Claude D... et E... (572 956 francs entreprise D...) ;
" aux motifs que X... a donné des instructions pour commettre
ces infractions et mis à la disposition des chefs d'entreprise
des comptes destinés à recevoir leurs versements ;
" alors, d'une part, qu'il résulte de l'arrêt attaqué
lui-même que la somme de 1,2 million de francs déboursée
par l'entreprise C... aurait eu pour but de corrompre "un élu"
; que X... ne l'aurait donc reçue que dans le cadre de l'infraction
de corruption qui lui est parallèlement reprochée ; que
l'infraction, qui est ainsi reprochée, de complicité par
instruction donnée est déjà poursuivie sous la
qualification de corruption ; que la cour d'appel a ainsi violé
le principe "non bis in idem" ;
" alors, d'autre part, que le jugement de première instance
a été annulé à la demande de X... ; qu'en
se bornant à retenir la complicité de ce dernier dans
des abus de biens sociaux qui auraient été caractérisés
dans l'entreprise D... au seul motif qu'il résulte d'une "décision
définitive", à savoir le jugement annulé à
l'égard de X..., la cour d'appel, qui n'a pas autrement caractérisé
le délit principal dont aurait été complice X...,
n'a pas donné de base légale à sa décision
" ;
Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles
321-1 nouveau, 460 ancien du Code pénal, 437.3° de la loi
du 24 juillet 1966, de l'article 593 du Code de procédure pénale,
défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré
X... coupable de recel d'abus de biens sociaux, pour avoir reçu
des sommes versées en espèces (100 000 francs), des caisses
des sociétés D..., F..., G..., H..., SDE, et pour avoir
bénéficié de chasses à l'étranger
réglées sur les fonds de l'entreprise EJL ;
" aux motifs que X... savait ces fonds prélevés de
manière occulte puisque versés en espèces sur la
trésorerie de sociétés concernées ;
" alors que le recel suppose la connaissance de l'origine frauduleuse
des biens remis ; que la seule constatation de ce que des fonds sont
remis en espèces ne suffit pas, contrairement à ce qu'affirme
l'arrêt attaqué, à caractériser ni le fait
que ces sommes auraient été prélevées de
manière "occulte" sur les fonds sociaux, ni que le
destinataire des fonds aurait connu le caractère illicite du
prélèvement " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt
attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que
la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé
en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels
qu'intentionnel, la complicité et le recel d'abus de biens sociaux
dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
Attendu que le demandeur est sans intérêt à reprocher
à la cour d'appel de l'avoir déclaré coupable des
mêmes faits sous pIusieurs qualifications pénales dès
lors que, conformément aux articles 5 ancien et 132-3 nouveau
du Code pénal, une seule peine a été prononcée
;
Que, dès lors le grief n'est pas fondé ;
Et attendu que la peine se trouvant justifiée par cette déclaration
de culpabilité des chefs de complicité et recel d'abus
de biens sociaux, il n'y a pas lieu d'examiner le grief exposé
dans la seconde branche du cinquième moyen, concernant d'autres
faits retenus à la charge du prévenu sous les mêmes
qualifications pénales ;
Sur le septième moyen de cassation,
pris de la violation des articles 174 ancien, 432-10 nouveau du Code
pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut
de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré
X... coupable de concussion ;
" aux motifs qu'il a sollicité, à l'occasion de l'octroi
des permis de construire dans la commune dont il est le maire, le versement
d'une subvention de 400 francs par logement construit, qui n'est prévue
par aucun texte, et affirme ordonnancer ces recettes que les assujettis
n'étaient pas libres de refuser ;
" alors, d'une part, que la concussion n'est pas le fait d'ordonner
un versement, mais de recevoir ou d'ordonner au comptable de percevoir
une somme ; que le simple fait de demander à un tiers le versement
d'une somme à un office du tourisme n'est pas constitutif de
la concussion, le délit ne réprimant que l'activité
des receveurs et des comptables, et non l'ordonnancement ; qu'ainsi
l'excès de pouvoir commis par le maire, à le supposer
caractérisé, n'était pas constitutif de concussion
;
" alors, d'autre part, que faute pour le prévenu d'avoir
reçu lui-même les fonds litigieux, affectés de l'aveu
même des juges du fond à l'office du tourisme de l'Alpe-d'Huez,
le délit n'est pas caractérisé ;
" alors, enfin, que dès lors que la subvention était
prétendument illégale, tout bénéficiaire
d'un permis de construire pouvait la refuser et éventuellement
la contester devant la juridiction administrative compétente
; qu'ainsi les assujettis n'étaient aucunement "obligés"
de payer la subvention en cause, que le délit n'est pas davantage
caractérisé " ;
Attendu que, pour déclarer X... coupable
de concussion, la cour d'appel relève que ce dernier, agissant
en sa qualité de maire de la commune d'Huez-en-Oisans, a imposé
à chaque promoteur ou particulier le paiement d'une somme de
400 francs par logement construit à l'Alpe-d'Huez, qui était
versée sur un compte occulte de l'Office du tourisme de l'Alpe-d'Huez
; qu'ils précisent que la perception de ces taxes, qui n'étaient
prévues par aucun texte ni par une délibération
du conseil municipal, a donné lieu à une comptabilité
spécifique établie manuellement par les services de la
mairie qui tenait un registre ayant fait office de rôle ;
Que les juges énoncent que X..., qui, juriste de profession,
n'ignorait pas l'illicéité de cette pratique, a sciemment
ordonné et recouvré des recettes indues au profit d'un
établissement public communal ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a fait l'exacte application
des articles 174 ancien et 432-10 du Code pénal ;
Que, dès lors, le moyen ne peut être
admis ;
Sur le huitième moyen de cassation, iI est fait grief à
l'arrêt attaqué d'avoir déclaré X... coupable
de recel d'abus de confiance et de complicité d'abus de confiance
au préjudice de l'association A... :
" aux motifs que l'association, dont l'objet était "resserrer
les liens amicaux existant entre les membres du personnel communal et
entraide des agents de la fonction communale" , et dont les fonds
étaient constitués essentiellement par une subvention
communale, a, d'une part, remboursé des notes de frais de X...,
d'autre part, rémunéré des élus et le personnel
de direction de l'association ou de la commune ;
" alors que complicité et recel supposent un fait principal
punissable, c'est-à-dire en l'occurrence un abus de confiance,
ou encore un emploi des sommes remises au dirigeant de l'association,
M. I..., contraire au mandat reçu par lui et à l'affectation
prévue pour ces sommes ; qu'il résulte de l'arrêt
attaqué lui-même que la subvention remise chaque année
par la commune à l'association n'avait nullement pour objet les
activités propres de celle-ci, mais avait pour but la rémunération
de certains employés municipaux et la couverture de certains
frais du maire ; que le fait que ce procédé n'ait pas
été conforme aux règles de la comptabilité
publique, ni à certaines règles fiscales, ne caractérise
pas pour autant un détournement de l'objet réel de la
subvention, dont les motifs de l'arrêt révèlent
au contraire qu'il a été respecté ; qu'ainsi, faute
de détournement de l'affectation des sommes en cause, le délit
principal d'abus de confiance n'était pas caractérisé
et pas davantage les faits de complicité et de recel reprochés
au prévenu " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué
mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel
a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en
tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel,
les délits dont elle a déclaré le prévenu
coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en
question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des
faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments
de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être
admis ;
Et attendu que les arrêts sont réguliers en la forme ;
REJETTE les pourvois.