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 " LE VRAI CANARD "  de KARL LASKE - Laurent VALDIGUE - éd. Stock - Nov. 2008  pages 198/199 , 200/201 , 202/203 ; 204/205
Faut-il s'étonner que des affaires impliquant des francs-maçons échappent à la publication par le Canard ?


« Deux des principaux dirigeants du Canard étaient maçons, assure l'investigateur Henri Deligny. Des journalistes se prévalaient de liens à travers des ateliers. Ce courant d'influence jouait un rôle dans les contacts entretenus avec certains syndicats de police, à travers Gérard Monate, par exemple. Mais la présence de Roland Dumas était tout aussi déterminante'. »
Une grande majorité de frères se contentent d'assister deux fois par mois à un dîner-débat entre amis, le décorum en plus. D'autres, une minorité mais influente, jouent des réseaux ainsi créés, mélangeant allégrement le sacré et le profane. L'ancien Petit Poète du Canard, Roland Bacri, résume assez bien la première catégorie, ces maçons à la bonne franquette. Dans son Journal d'un râleur2, il raconte sa brève expérience au sein du Grand Orient de France.
« L'an dernier, René Bizeau, chef des correcteurs à l'imprimerie du Canard, était venu passer le week-end avec sa femme et ses filles.
-Tu veux savoir pourquoi je t'appelle toujours "mon frère" ? Parce que tu es, sans le savoir, franc-maçon.
- Moi ? Ti'es fou ?
- Je suis on ne peut plus sérieux. Vénérable d'une loge "Terre des Hommes", je te parraine moi-même.
Rendez-vous mercredi à 8 h 30 rue Cadet. »
Bacri se retrouve maçon presque à son insu. Il raconte amusé sa première « tenue » en loge : « Entrée dans l'immeuble, premier étonnement : au mur les cartes d'identité de tous les frères, tampon, timbre préfecture de police, tout. Moi qui croyais société secrète à la Cagliostro d'Alexandre Dumas. Bon ! Première séance, pas de procession de conjurés à la lueur des torches. Roulement de tambour, La Marseillaise, tous debout... On est en république,

1•  Entretien cité. L'appartenance de Gérard Monate et de Roland Dumas au Grand Orient sont connues.
2•  Roland Bacri, Journal d'un râleur, Éditions du Félin, 1996.


c'est vrai. Ah ! Mozart quand même, l'huissier de séance clame : "Il est minuit, mes frères !" 21 heures, c'est vrai, mais comme on doit tous se lever de bonne heure pour travailler le lendemain... »

Bacri n ' est resté que trois jours en maçonnerie. « Chaque mercredi, 100 kilomètres aller-retour pour Allons z'enfants... Je suis au Canard, tout de même. Écouter les doléances, légitimes je sais, du prolétariat, ça m'apporte quoi ? Mais je serai, pardi, avec eux, au premier rang même, le jour où il faudra reprendre la Bastille. »

Quand le Canard s'intéresse à la franc-maçonnerie, c'est d'abord par antigiscardisme. En février 1977, Michel Gaillard révèle comment Giscard a tenté de se faire initier à la Grande Loge de France. Pas comme n'importe quel maçon de base : hors de question pour lui de se faire bander les yeux, de courber humblement la tête puis d'effectuer un saut dans l'inconnu - selon le rituel, l'impétrant doit réellement « sauter » dans le noir. VGE envisage tout simplement de se faire initier en son palais de l'Élysée, comme naguère Frédéric II de Prusse en son château de Potsdam, et directement au 33` degré. L'info du Canard fait lamentablement capoter le projet : « Nos révélations ont provoqué un boucan de tous les diables à l'Élysée, à l'Intérieur et en d'autres lieux bénis. » Dans le microcosme maçonnique, on ne se pose qu'une seule question : qui a balancé l'information au Canard ? Les projecteurs se braquent sur le frère Victor Chapot, conseiller à l'Élysée, en charge notamment du financement des campagnes électorales. Membre de la GLF chargé de l'initiation présidentielle, il se serait montré trop bavard auprès de Michel Baroin, ancien commissaire des RG, dignitaire du GO (obédience concurrente) dont il deviendra plus tard le Grand Maître. Gaillard raconte l'anecdote : « Les 33 membres du Conseil de l'ordre du Grand Orient n'ont pas été étonnés non plus. En effet, le 8 janvier dernier, Michel Baroin, collaborateur d'Edgar Faure, avait tenu devant ses membres les propos suivants :