Accueil  Autre presse :    L'express      Objectif Rhône-alpes nov 2002     25.000 frères à Grenoble ! !
 " LE VRAI CANARD "  de KARL LASKE - Laurent VALDIGUE - éd. Stock - Nov. 2008  pages 198/199 , 200/201 , 202/203 ; 204/205
Faut-il s'étonner que des affaires impliquant des francs-maçons échappent à la publication par le Canard ?

Les francs-maçons se rebiffent

Christian Plume, pigiste au Canard dans les années 1960, feuillette son carnet. Plume est son vrai nom. Il est camarguais. En 1961, il a noté son épitaphe : « Il gît ici le pauvre PLUME. Il vainquit le sort importun. Car il fit - du moins l'on présume - un nom propre d'un nom commun. » Finalement, Plume n 'appréciait pas trop l'ambiance du Canard.

« Abandonné Canard presque complètement : petits esprits et vieux tics », écrit-il un jour. En mai 1980, Plume fait paraître avec Xavier Pasquini Une enquête de police sur Le Canard enchaîné 1 . Ils publient in extenso un rapport des Renseignements généraux de la préfecture de police sur le Canard, écrit huit ans plus tôt, en juin 1972. Ce document contient 33 fiches de police des collaborateurs du journal, et 54 fiches concernant des pigistes, ou présumés tels. Le rapport étudie en outre les « causes de la longévité » du Canard, son « avenir », et surtout la « source de ses informations ».
Parmi les causes de la longévité, il y avait - selon la police de 1972 -, « l'esprit frondeur et non conformiste » : « Le

1. Christian Plume et Xavier Pasquini, Une enquête de police sur Le Canard enchaîné, op. cit.


Canard enchaîné ne soutient pas une ligne définie. Aucun pouvoir ne trouve grâce auprès de ses collaborateurs.

Journal sans parti, il n'a personne à ménager. Il attaque la droite comme la gauche, il est volontiers anticommuniste, réservé à l'égard du Parti socialiste, critique à propos du PSU, sceptique quant au radicalisme. Il n'aime ni les États-Unis, ni l'URSS et considère le tiers-monde comme aussi condamnable que les anciennes métropoles. Le Canard enchaîné entretient ainsi la méfiance des Français envers les partis politiques. Il provoque la curiosité en leur faisant connaître des informations confidentielles qui peuvent se révéler véridiques par la suite. »
Le rapport des RG cible tout particulièrement les journalistes communistes ou ex-communistes du Canard : « Cependant, avec l'arrivée d'hommes comme Claude Angeli, l'orientation politique du Canard enchaîné s'est modifiée, le style est devenu franchement polémique et pourrait risquer à la longue, d'aller à l'encontre des goûts de sa clientèle habituelle. Ainsi le Français "gaulois et railleur" ne se retrouverait plus dans un hebdomadaire abandonnant la satire pour la polémique progauchiste. »
Dans leur préface, Plume et Pasquini abondent dans le même sens. Avec Angeli, « un faucon s'est installé dans la couvée de canards », assurent-ils. Angeli est « le Fouquier Tinville du Canard ». « Avant la guerre, le Canard égratignait mais ne tuait pas. Il ne laissait rien passer mais restait dans les limites de la saine insolence, écrivent Plume et Pasquini. [...] Jamais le Canard n'avait torpillé un ministère ou ruiné la carrière politique d'un haut personnage. » Et de citer la « carrière minée » de Chaban-Delmas et la mort de Robert Boulin. « Angeli amenait au Canard une nouvelle dimension. Avant lui, le Canard lançait des pétards de 14 juillet. Avec Angeli, il se mit au cocktail Molotov.

D'abord, il amena au Canard un nouveau procédé qu'on pourrait appeler, plus concrètement, le photocopisme. [...]