Douze ans après la parution d'un article fameux du Canard enchaîné, le 23 avril 1997, sur « le clan Tiberi », accusé d'avoir «dopé les listes dans son fief parisien », le 5`" arrondissement, Jean Tiberi, son épouse Xavière et neuf de leurs proches devaient comparaitre pour fraude électorale, à partir de lundi 2 février, devant la 16e chambre correctionnelle de Paris.
Même les juges d'instruction ont trouvé le temps long : lassés d'avoir attendu trois ans les réquisitions du parquet, les juges Baudoin Thouvenot et Jean-Louis Périès avaient renvoyé onze personnes devant le tribunal avant les élections municipales de juin 2oo8.
L'instruction sur l'ancien maire de Paris, ouverte après les plaintes, en mai 1997, du candidat Vert Yves Antonin Frémion-Danet et de la socialiste Lyne Cohen-Solal, n'a pas été une mince affaire. Le Canard estimait que 3 00o à 4 000 électeurs avaient été inscrits illégalement. Le Conseil constitutionnel avait bien relevé de sérieuses anomalies, mais n'avait évalué qu'à 8001e nombre d'électeurs irréguliers et avait validé l'élection législative, M. Tiberi l'ayant emporté avec 2 725 voix d'avance sur hl" Cohen-Solal.
Les juges estiment, eux. avoir mis en lumière « les rouages d'un mécanisme frauduleux éprouvé ». Les gendarmes ont par exemple découvert 11 électeurs difficilement logés au 373, rue Saint-Jacques, une adresse qui n'existe pas ; 25 électeurs RPR s'entassaient courageusement « dans un immeuble insalubre ne pouvant abriter plus de trois familles » ; 7 personnes ont été inscrites rue Galande sur la foi d'une facture de France Télécom |
au nom d'un parent de M Tiberi ; 38 électeurs habitaient chez un candidat du comité départemental du RPR. Ces électeurs fantômes étaient le plus souvent des sympathisants RPR qui n'avaient pas la chance d'habiter le 5", voire Paris, et des particuliers qui avaient obtenu un logement ou un poste à la mairie de Paris.
Les juges estiment la fraude «difficilement quantifiable», mais ont un ordre de grandeur. Sur 11 921 électeurs radiés en 1997 et 1998, 5 609 étaient inconnus tant de l'administration fiscale que du fichier national des comptes bancaires. De 1997 à 2002, le corps électoral a perdu 6 459 électeurs.
Elu confortablement
Au cour du cyclone et du procès, se tient la première adjointe du 5', chargée des affaires sociales et du commerce, Anne-Marie Affret, qui « apparaît comme un élément central de la .fraude électorale », selon l'accusation. Suit M Tiberi, qui, bien que ni élue ni employée de la mairie, « était très impliquée dans la vie de l'arrondissement », selon la formule des juges. Toutes deux nient l'existence même d'une fraude : c'est une « cabale » organisée par Raymond Nentien, secrétaire général de la mairie, lui aussi renvoyé devant le tribunal.
M. Tiberi, 74 ans, assure qu'il n'a jamais eu besoin de faux électeurs : il a toujours été élu confortablement depuis 1965, et, à nouveau, il y a un an, face à M'" Cohen-Solal. Il affirme que son épouse n'a joué aucun rôle, officiel ou pas, et qu'il est bien certain que Mme Affret n'a rien fait qui soit contraire au droit ou à la morale ». Le procès devrait s'achever le 4 mars. .
Franck Johannès |