En 2013, «l'affaire Lagrange» avait frappé de plein fouet le barreau de Castres. C'est un premier signalement au mois de juin par le bâtonnier de l'ordre des avocats, Me Eric Palaffre, pour une suspicion de détournements de « fonds clients » qui déclenchera toute la procédure judiciaire contre l'ex-avocat Jean-Philippe Lagrange . Celle-ci révélera que depuis 1998, l'avocat castrais avait en effet et à plusieurs reprises, procédé à des détournements de fonds qui lui avaient été confiés dans le cadre de sa profession.
Au lieu de reverser les sommes dues à certains de ses clients à la Carpa, organisme intermédiaire qui gère les paiements des avocats et l'aide juridictionnelle, Me Lagrange avait déposé ces sommes très importantes sur un autre compte bancaire et à son propre profit. Au total, entre 1998 et 2013, 221 virements frauduleux ont été répertoriés, plus d'une vingtaine de victimes ont été retenues et le préjudice dépasserait les 3 millions d'euros.
Il reconnaît les faits et évoque une "spirale infernale"
Mardi matin, l'homme âgé de 67 ans, accusé de détournements de fonds et d'abus de confiance comparaissait libre devant le tribunal correctionnel de Castres. Par souci d'évaluer tous les dommages causés dans cette affaire, une demande de renvoi sur intérêts civils a été formulée et acceptée. La date a été fixée au 28 mars prochain.
À la barre, Jean-Philippe Lagrange a tout de même pu librement s'expliquer : « J'ai été saisi dans un tourbillon, une spirale infernale. J'étais convaincu que j'allais pouvoir les rembourser ». L'homme qui reconnaît totalement les faits, dit avoir sombré dans l'alcool en 1998. La perte de son frère et de sa sour dans un accident de voiture lorsqu'il n'avait que 17 ans, les problèmes de santé de sa mère. « Tout est remonté», a confié l'accusé pour justifier « sa descente aux enfers » mentionnant ses séjours en hôpital psychiatrique.
Un an de prison ferme requis
« Où se situe la moralité dans ces détournements de fonds ? Il faut se rendre compte que beaucoup de personnes ont perdu et pas que financièrement», a regretté, de son côté, le procureur Céline Raignault qui accuse l'ancien avocat d'avoir « profité de l'ignorance complète de ses clients en matière juridique » et d'avoir « impacté l'image de la justice tout entière ». Le parquet a requis une peine de trois ans de prison, dont deux assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve avec obligation d'indemniser les victimes et l'interdiction d'exercer le métier d'avocat à titre définitif.
Pour l'avocat de la défense, Me Cohen, son client « ne s'est pas enrichi, tout est parti en fumée. C'était un acte déraisonnable, les troubles sont évidents». « Quand on a suspendu Me Lagrange, on a détruit l'avocat. Quand on l'a radié, on a détruit l'homme. Aujourd'hui, il ne reste plus que sa dignité à prendre, et, est-ce bien nécessaire. ? », s'est interrogé Me Cohen devant les juges. Le délibéré sera rendu le 13 novembre.
Pauline Brassart |